Le naming du Camp Nou montre comment les acteurs du sport peuvent être à la fois philanthropiques et entrepreneuriales en ces temps difficiles

 

 

 

Paul Garbett, directeur associé de CSM Sport & Entertainment, explique pourquoi le projet du FC Barcelone de renommer le Camp Nou est un coup de maître RP, protégeant le club et son futur partenaire de critiques susceptibles d’entacher leurs réputations.

Le FC Barcelone a récemment surpris toute l’industrie du sport en annonçant vouloir reverser via sa fondation, les revenus liés au naming du Camp Nou pour la saison 2020/21, à la lutte contre le coronavirus. L’argent collecté permettant de « financer des projets de recherche et la lutte mondiale contre la pandémie. »

Il s’agit de la part du FC Barcelone d’un mouvement philanthropique très intelligent, mais aussi entrepreneurial.

Au-delà de sa grande générosité, le club réduit ainsi, tant pour le nouveau sponsor que le détenteur de droits, les critiques liées au changement de nom d’un stade emblématique très apprécié à travers le monde. Cette annonce est un coup de maître en matière de communication facilitant la transition vers un futur accord commercial extrêmement lucratif pour le club.

Le naming des stades est depuis longtemps une stratégie commerciale controversée, critiquée par les fans, y compris aux États-Unis – même si les médias sportifs et le marché sont plus à l’aise avec le principe qu’en Europe.

Lorsque le Candlestick Park de San Francisco, ancienne résidence des 49ers en NFL, a changé son nom en 3Com Park en 1995, les fans, les habitants et les médias locaux ont vigoureusement protesté et refusé de désigner l’enceinte par son nouveau nom.

La problématique est revenue neuf ans plus tard, lorsque dans le cadre d’un nouvel accord avec Monster Cable, le stade a été rebaptisé Monster Park. L’opposition publique a été si féroce que les électeurs de San Francisco ont ordonné en 2004, par un référendum, que le stade retrouve son nom initial à l’issu du contrat.

À Barcelone, où le club est non seulement une équipe sportive mais une pierre angulaire de la culture catalane, il est probable que tout mouvement commercial ait été accueilli avec un dédain similaire.

Par définition, les nouveaux stades n’ont pas d’histoire. Ainsi, les dénominations commerciales telles que l’Allianz Riviera, le Matmut Atlantique ou le Groupama Stadium posent souvent moins de problèmes. Mais comme pour Candlestick Park et 3Com ou plus près de chez nous, avec Orange et le Stade Velodrome renové, le naming de stades emblématiques est fortement contesté ou simplement ignoré pour des motifs historiques.

Avec les menaces des fans, une publicité négative voire un boycott de ses produits ou services, renommer le Camp Nou serait un investissement à haut risque pour toute marque, l’exposition mondiale devant être soigneusement pesée face à une atteinte potentielle de réputation.

Il reste à voir si ces droits seront acquis à long terme ou comme base commerciale pour l’avenir, mais en offrant les revenus issus de la première saison sous naming, la menace de relations publiques catastrophes est dorénavant largement évitée.

Les fans de Barcelone verront la vente de ces droits comme un moyen innovant d’aider les communautés en temps de crise et réagiront chaleureusement au nouveau sponsor, dont l’arrivée aurait dû être très mal accueillie ou méprisée.

Associer la vente de droits au profit de bonnes causes, en fait une option attrayante pour des marques attirées par les avantages du sponsoring mais qui se méfieraient de la façon dont un nouvel investissement marketing majeur pourrait être perçu par leurs employés ou actionnaires en période de crise mondiale.

L’annonce de cette initiative a également contribué à générer des retombées positives dans le monde entier pour le FC Barcelone et à remettre ouvertement le sponsoring à l’agenda des marques.

Barcelone, bien sûr, est experte en matière d’utilisation de ces droits au profit de causes caritatives. La tenue emblématique du club, bleu et rouge, était restée sans sponsor jusqu’en 2004, date à laquelle le club signa un partenariat inédit avec l’UNICEF. Le FC Barcelone a ainsi versé à l’association un montant de 1,5 million d’euros par an pendant 5 saisons, 0,7% des revenus de sa fondation et offert une visibilité sur la face avant du maillot.

Cet accord a contribué à ouvrir la voie à d’autres accords commerciaux, la Fondation du Qatar devenant en 2010 le premier sponsor maillots de l’histoire de Barcelone depuis 111 ans. Cet accord, d’une valeur estimée à 150 millions d’euros, était à l’époque le plus gros contrat de sponsoring maillot de l’histoire du football. Ont suivi les accords avec Qatar Airways puis Rakuten.

Le temps nous dira si le naming du Camp Nou sera tout aussi lucratif tant pour les associations caritatives initialement impliquées que les revenus sponsoring du club. Mais les premiers signes indiquent qu’il s’agit d’une stratégie gagnant-gagnant pour toutes les parties. Le club devrait être applaudi pour une décision intelligente qui maximise leurs actifs pour le bien de tous, tout en réussissant un défi à la fois commercial et de communication.

En France, avec seulement 4 stades de Ligue 1 Conforama portant actuellement le nom d’un sponsor, nombreux doivent être ceux qui suivent avec intérêt les suites de cette opération.

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