Interview : François Brindeau, Responsable Merchandising et Licensing des 24 Heures du Mans

Credit : Sport Buzz Business

 

Course centenaire, les 24 Heures du Mans organisées par l’Automobile Club de l’Ouest (ACO) offrent offre un spectacle exceptionnel sur plusieurs jours qui dépasse le simple cadre du sport.

Evènement planétaire, les 24 Heures du Mans sont naturellement devenues une marque à part entière.

Il y a quelques jours, François Brindeau, responsable merchandising et licensing des 24H du Mans nous a reçu sur le mythique circuit.

L’occasion pour nous de faire un point complet sur la stratégie, les nouveautés et les objectifs de la marque.

« La marque s’est inscrite dans une activité permanente avec une dimension lifestyle, qui se consomme à l’année »

Sport Buzz Business : Le merchandising des 24 Heures du Mans connaît un succès certain depuis quelques années. Comment l’expliquez-vous ?

François Brindeau : C’est le fruit d’un ensemble de choses. Il y a à la fois des facteurs qui sont étroitement liés aux actions qu’on a mises en œuvre et il y a aussi des facteurs liés à l’engouement global des 24h du Mans avec le retour de certains constructeurs et du retour en odeur de sainteté, j’ai envie de dire, du sport automobile.

La Formule 1 n’est pas forcément étrangère à la chose avec « F1 Drive To Survive » et d’autres événements motorsport, même le Moto GP, le GP Explorer chez nous avec la bande à Squeezie… Il y a une sorte de nouvelle forme d’intérêt, y compris chez les plus jeunes.

Quand on parle de merchandising, ça mêle la partie licensing et la partie merchandising. Comment on utilise la marque à travers le produit ou à travers les campagnes de licences, les collaborations. On a beaucoup travaillé sur la marque 24 Heures, sur ses valeurs, sur ce qu’elle représente et sur la façon dont on traduit ça à travers le produit.

On a étoffé la collection avec un souci d’exigence, de qualité. C’est aussi l’offre qui fait la demande, c’est un retour du public pendant les événements.. Il y a aussi beaucoup de travail de communication tout au long de l’année et des actions mises en œuvre sur la partie marketing de l’offre.

SBB : Vous disiez que la collection a été étoffée. Combien de produits 24 Heures du Mans proposez-vous ?

F. B. : C’est énorme ! On a un peu plus de 3 000 références et on diffuse annuellement plus de 500 000 produits. Si on faire un petit arrêt au stand sur la partie merch/licence : sur la totalité de notre offre, on a à peu près 60 à 65% des produits qui sont issus du sourcing, des produits que nous avons définis, que nous faisons fabriquer et que nous sommes les seuls à distribuer. C’est la partie « exclusive » de notre offre, un peu socle de collection, qu’on travaille à l’année et pendant les événements. J’aime à rappeler quand même que notre business est plus important en dehors des événements que pendant les événements. Nous sommes une marque qui vit vraiment 365 jours par an. Et pourtant, les ventes sur événement sont conséquentes ! La marque s’est inscrite dans une activité permanente avec une dimension lifestyle, qui se consomme à l’année. A côté, on a 35 à 40% de notre offre qui est issue du programme de licences.

Le dénominateur commun, c’est la marque ou les marques, parce que nous sommes propriétaire d’une centaine de marques développées par l’A.C.O. Si je mets tout ça bout à bout, c’est à peu près 3 000 références proposées dans nos boutiques, notamment celle en ligne, et à nos partenaires B2B. Nous avons une centaine de revendeurs.

SBB : Et vous travaillez également avec IMG.

F. B. : IMG, c’est justement sur la partie licences. C’est un agent qui a un mandat exclusif de représentation chez nous. Ils ont la marque 24h du Mans dans leur catalogue de propriété intellectuelle. Ils commercialisent la marque Le Mans auprès d’exploitants potentiels. Ca fait 15 – 20 ans que nous travaillons avec eux. Nous sommes étroitement liés. Ils font partie de la maison et on fait partie de la leur. C’est presque comme s’ils étaient à l’année dans notre bureau et qu’ils faisaient partie de notre équipe de vente.

SBB : L’année dernière, vous avez accueilli Kappa en tant qu’habilleur officiel. Quel est le premier bilan de cette collaboration ?

F. B. : Ça s’est très bien passé, j’en suis très content. Nous avons eu Figaret, Gant, Castore et maintenant, c’est Kappa. Ce n’est pas une valse des partenaires, chaque ère a besoin de son positionnement. Kappa, c’est une top marque, italienne, on fait très vite le lien avec Ferrari et la passion automobile. C’est une marque qui a une grande place dans le sport, dans les sports collectifs comme le football, le basket et le rugby ou encore en Formule 1 avec Alpine.

Il faut toujours un peu de temps pour qu’un nouvel habilleur s’installe parce qu’il faut revendiquer l’ADN. L’accueil a été très bon. La collection de l’année prochaine est dessinée et en fabrication, nous attendons les prototypes. C’est une marque qui est à la fois un acteur du textile historique et une société qui aime bien faire bouger les lignes.

SBB : Il y a un aspect un peu rétro, vintage, sur la collection…

F. B. : Oui. On a fait trois collections. Il y a Robe di Kappa, qui ça s’apparente plutôt à la partie gentleman driver. On est sur les codes un peu plus classiques, on travaille les drapeaux des nations, on travaille les cotons plus épais. Même dans la forme des vêtements, on est un peu plus classique.

Après, on a eu une gamme vraiment sportswear plus que motorsport, où on s’est même testé sur des maillots un peu polyester qui ont eu beaucoup de bons échos auprès d’une clientèle jeune, notamment. Et après, on a travaillé aussi pas mal de produits type Le Mans replica avec des tissus un peu techniques.

Et on a fait une capsule avec Anti Social Social Club, qui est quand même un agitateur américain pour le coup. C’était extra cette collab ! On a même mis une voiture aux couleurs d’Anti Social Social Club. Ils sont venus faire des shootings. On a préparé un drop de produits qui a eu lieu le samedi de la course. Il y avait un drop en ligne et un drop physique ici et on s’est retrouvé avec plus de 100 personnes devant la boutique alors qu’il n’y avait que 20 pièces à vendre. Mais ça, c’est l’ADN Kappa. C’est d’avoir à la fois cette possibilité d’une collection classique et en même temps de savoir bouger les lignes et de faire des collab inattendus.

« Le Mans, c’est une marque qui inspire mondialement et dans n’importe quelle catégorie »

SBB : Au global, quel est le produit 24 Heures du Mans qui se vend le mieux, le plus ?

F. B. : Alors, j’ai dit tout à l’heure qu’on avait une activité qui était liée aux événements et une activité qui était hors événement. Si on est lié aux événements, évidemment, le must have, c’est la casquette ! C’est un des attributs du pilote, ils en ont tous une. C’est un produit qui est mixte, féminin, masculin. Il fait soleil, on la met, il pleut, on la met et c’est un intemporel. On vend aussi beaucoup d’éditions sur les 24h. Et si je m’écarte un peu de l’événement, on a d’excellents scores sur toutes les pièces en cuir : bagageries, veste en cuir. Il y a évidemment aussi toutes les miniatures, de tous les plateaux, de tous les constructeurs, c’est un peu avoir une part de la magie Le Mans à domicile. Après, il n’y a rien de chauvin, mais à l’inverse, des produits qui ne se vendent pas, il n’y en a pas.

On a une chance énorme au Mans, c’est qu’on a une clientèle qui est faite d’hyper-fans et de passionnés. On a des gens qui vont revendiquer des choses très ostentatoires, d’autres qui veulent des choses plus discrètes. On a une clientèle féminine qui s’est largement constituée ces dernières années. On a une clientèle masculine, on a une clientèle jeune, on a une clientèle moins jeune, on a une clientèle d’enfants, on a des touristes, on a des locaux, on a des étrangers. Nos enjeux à nous, c’est de répondre à tous ces segments de clients avec plus ou moins de pouvoir d’achat. On peut vendre des oursons en peluche, on peut vendre des miniatures, on peut vendre de la bagagerie, on peut vendre des stylos. On a fait des collab avec Smeg ou S.T. Dupont.  Le Mans est une marque qui inspire mondialement et dans n’importe quelle catégorie.

Ce qui m’intéresse, c’est d’être dans une construction qui est une fonction globale, pérenne et qui installe la marque sur des marchés où elle est légitime et où elle va poursuivre son développement. Nous sommes en train d’installer tout ça dans l’objectif de pérenniser notre existence.

« Je nourris un doux rêve, que l’A.C.O arrive un jour à remonter un programme de « Art Cars »« 

Les 24 heures du Mans sont étroitement liés à l’art avec toutes les « Art Cars ». Ça allait de Keith Haring, Wolinski, Calder… Il y a toujours eu un lien entre le design automobile et l’artiste. Il y a des codes dans l’automobile qui sont très proches des codes de l’art. Je nourris un doux rêve, que l’A.C.O arrive un jour à remonter un programme de « Art Cars ». Et pourquoi pas aller plus loin sur de la sculpture. Pourquoi pas ? Je pense que l’on peut exprimer quelque chose à travers l’art.

SBB : Passons aux nouveautés concrètes, à quoi peut-on s’attendre pour 2025 ? Une petite tendance horlogerie donc..

F. B. : Peut-être. On lance dans les mois à venir un parfum Le Mans, avec une déclinaison de trois fragrances, « le mythe », « la légende » et « le style ». On a travaillé avec un parfumeur du sud de la France à Grasse.

Je nourris aussi beaucoup d’espoirs sur le high tech. J’aimerais bien travailler avec des faiseurs de son qui sont des sponsors historiques de l’automobile. On a tellement de choses à raconter avec ces marques. Et le son, ça a tellement d’importance dans l’automobile, qui plus est au Mans parce qu’une fois qu’on a assisté en tribune au passage des voitures, on s’en souvient ! La tech, c’est quelque chose qui aurait beaucoup de sens… Ça peut aller jusqu’au drone.

Pour l’année prochaine, on a quelques lancements qui sont en cours. Je ne peux pas tout révéler parce que tout n’est pas signé. On travaille aussi avec des constructeurs automobiles sur des séries limitées. Il y a des gros anniversaires à venir. Il faudra que les passionnés cherchent les dates. Mais 2025, 2026, il y a beaucoup de choses à raconter. On travaille aussi étroitement avec les plateformes de streaming.

SBB : Comme ce qu’a fait Netflix avec la Formule 1 ?

F. B. : L’idée n’est pas de faire un « Drive to Survive ». Déjà, ce serait mal perçu sur le marché, puis ce n’est pas notre ADN. Le support audiovisuel rentre aussi dans les programmes de licence. Le jeu Gran Turismo, le film Le Mans 66, c’étaient des programmes de licence. Ça rentre dans une catégorie d’expression qui est indissociables de la notoriété de marque.

Évidemment, chez nous, le jeu vidéo, c’est un très, très gros secteur. Le Mans Ultimate, qui a été lancé en coproduction avec Motorsport par l’A.C.O. C’est un point stratégique pour nous.

SBB : Votre cible est donc très large.

F. B. : On est sur un positionnement à la fois premium et populaire de la marque, on adresse un peu tous les segments. Et je parlais du sens qu’on donne aux collaborations, l’histoire que l’on raconte est crédible. La marque Le Mans véhicule des valeurs de performance, d’innovation, de qualité, d’exigence. Et puis elle véhicule également des images de popularité, d’aventure humaine, de liesse populaire, de rassemblement familial transgénérationnel, de saucisses frites. Le Mans, c’est clairement un truc à part.

Un sociologue, Bertrand Pulman, a édité un livre l’année dernière « Le cœur battant des 24 Heures du Mans ». Il y a une approche sociale qui est particulière au Mans et la marque traduit tout ça et à travers toutes ses activités.

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