Interview : Jérôme Dumois – Directeur Transformation et Innovation LFP Media (Le plan d’élévation de la Ligue 1 McDonald’s)

 

La semaine dernière, la Ligue de Football Professionnel (LFP) a dévoilé le nouveau film de marque de la Ligue 1 McDonald’s qui incarne et illustre la nouvelle direction prise par le Championnat de France.

Pour les années à venir, la LFP souhaite ainsi ancrer un peu plus la Ligue 1 McDonald’s dans le quotidien des français avec l’objectif d’en faire un véritable objet culturel qui dépasse le cadre de la performance sportive sur le rectangle vert.

Afin d’en savoir plus sur la stratégie de la Ligue de Football Professionnel, nous avons posé quelques questions à Jérôme Dumois, Directeur Transformation et Innovation LFP Media.

« Nous travaillons sur un produit « Ligue 1 Kids », à la manière de Nickelodeon avec la NFL, pour les enfants, avec des résumés de matchs en version animée »

Sport Buzz Business : Avec ce nouveau film de marque, la Ligue 1 souhaite lancer une nouvelle ère. Vous profitez du changement de logo pour la lancer ?

Jérôme Dumois : Ce n’est pas tout à fait ça. On a travaillé depuis quelques temps un projet qui s’appelle le plan d’élévation. C’est un vrai plan stratégique. Quand on dit élévation, on ne parle pas de « premiumisation », c’est différent. C’est élever tout simplement l’ensemble des composantes de notre produit.

Nous avons un des meilleurs football au monde et qui est clairement sous-évalué. Un des premiers chantiers, c’est de reprendre le contrôle de plein de choses et de créer un nouveau capital structurant. Ce nouveau capital structurant étant la constitution d’une vraie marque Ligue 1, un plan s’appuyant sur les trois piliers stratégiques que sont l’image, l’expérience et la culture.

L’image, pourquoi ? Parce qu’on veut rompre avec ce cliché, cette étiquette de « Farmers League » qu’on a depuis trop longtemps. Le premier travail à faire, c’est ramener de la considération et elle existe. On a fait un travail d’introspection et ce qui ressort, c’est que la diversité est le moteur de notre excellence. Pour le pilier culture, un des objectifs est de connecter justement le football français aux autres industries d’excellence française et de s’installer au patrimoine. On a quand même pas mal d’attributs et une vraie stratégie pour ancrer le foot en culture.

SBB : C’est l’idée de proposer un « mode de vie » Ligue 1 et montrer que ce n’est pas que le produit foot que vous proposez mais tout ce qu’il y a autour, à l’image des ligues de sports US comme la NBA, sans comparaison aucune ?

JD : C’est une de nos stratégies. Quand on parle culture, c’est ça. C’est de passer d’un calendrier purement sportif, du vendredi au dimanche, à une approche beaucoup plus holistique et de commencer à travailler un calendrier beaucoup plus lifestyle avec une façon d’ancrer la Ligue 1 dans le quotidien des Français.

En NBA, personne ne regarde tous les matchs de saison régulière, etc. Et pourtant, on consomme de la NBA tous les jours. On peut porter une casquette des New York Yankees sans jamais avoir vu un match de baseball de sa vie.

En France, on a une youth culture que le monde nous envie et qui fait les tendances de demain. Et on a la youth culture grâce à quoi ? Grâce au multiculturalisme. Cette youth culture, elle est inspirante pour tout le monde, elle a envie de casser les codes et n’a pas peur. Si on regarde partout, que ce soit à Paris, dans nos régions, nos quartiers, nos campagnes, etc, on a les meilleurs joueurs du monde. On doit réussir à marier ce vivier de talents, notre youth culture en connectant la Ligue1 aux autres industries d’excellence française, que ce soit la mode, la musique, le cinéma, on rentrera dans le quotidien des Français ! Et pour réussir à faire ça, il faut sortir de la logique très top-down (communication descendante). C’est pour ça qu’on a créé le Lab Unlimited en mode provocateur de rencontres. Ce Lab, il est hyper important pour nous parce que c’est l’outil de transformation de la Ligue 1. c’est une promesse de rencontres inattendues entre la Ligue 1 et la culture au sens large. Cette approche collective ouvrira la voie à des collaborations inédites

On change de matrice culturelle, on veut vraiment devenir un agent de transformation culturelle à impact en passant sur une vision beaucoup plus bottom up (ascendante) avec cette volonté de construire avec la youth culture, imaginer le développement de projets avec eux. On ne va pas faire un gros chèque pour s’acheter une collab’. Pourquoi ? Parce que la culture ne s’achète pas. On doit être authentiques dans ce que l’on propose pour les fans. On ne sera peut-être pas la Ligue qui a le plus de stars, avec les plus grandes affluences mais je pense qu’on peut être une des ligues les plus cool à suivre, une des ligues les plus influentes. Et ça, ça vous donne quoi ? Ça donne une valeur unique à votre produit et renforce la valeur financière de la marque.

Notre travail, ça va être d’élargir le bassin de souscripteurs, d’aller à la conquête de nouveaux fans, sans oublier notre base et cette stratégie de marque est avant tout au bénéfice des supporters, des fans, des acteurs du foot, clubs, joueurs, des collectivités et des territoires. C’est d’ailleurs pour ça que McDonald’s est venu nous chercher. L’enseigne sait que nous sommes le premier spectacle de France depuis des années mais nous voir prendre ce cap et adopter ce nouveau comportement est aussi pour eux une manière de s’installer encore plus dans le quotidien des gens.

Le problème que l’on a, c’est que le football n’est pas encore perçu comme un vrai produit culturel, alors qu’en Italie, Angleterre ou Espagne, c’est quasiment une religion. Ca passe par travailler avec les clubs pour qu’on propose un nouveau récit, que l’on soit en capacité de mieux mettre en avant nos grands rdv, nos rivalités régionales, que l’on raconte des histoires authentiques, immersives.

« Je pense qu’on peut être une des ligues les plus cool à suivre, une des ligues les plus influentes »

SBB : En termes de construction de marque, où place-t-on le curseur entre parler à sa base fan et séduire de nouvelles audiences ?

JD : Il faut travailler avec les clubs parce qu’ils sont au contact local de leur population, de leurs fans, ça, c’est la première des choses. Par exemple, on a fait un film assez mainstream, qui parle à tous et met en avant ce qui nous différencie des autres : notre diversité au sens large (identité, ferveur, culture, vivier…). On aurait pu faire un truc très pointu avec des références pour les core fans mais on a voulu toucher plus de monde, tout en étant crédible auprès des supporters.

SBB : Quelle est l’objectif visé par ce film ?

JD : Il est fait pour apporter de la fierté en utilisant comme titre du film : « We will show you » et notre signature de marque : « Ligue 1. Football. A la française »… on dit : on va vous montrer ce qu’est le football à la française. C’est un cri de ralliement. On a tous une définition du football à la française. On veut apporter de la fierté aux gens. Ce film, c’est de la fierté. C’est un nouveau comportement aussi, c’est une pièce culturelle, une production de qualité. Ce n’est pas une publicité. Ce n’est pas un film avec des images de foot et de matchs. On veut montrer que le foot en France il se vit, il se consomme partout. Il y a une culture de l’outfit, des paysages et des villes incroyables, une ambiance unique : on n’a pas 7 clubs de foot dans une même ville comme à Londres ! Le foot en France est partout sur notre territoire. Et avoir Thierry Henry, c’est génialissime, ça fait sens dans l’histoire que l’on raconte et ce gentil pied de nez à nos amis anglais.

« On a tous une définition du football à la française. On veut apporter de la fierté aux gens. Ce film, c’est de la fierté »

SBB : Un film dans lequel on ne voit pas d’images de match donc, mais les maillots des clubs.

JD : Avant, il n’y a pas si longtemps, porter un maillot de football n’était pas très bien perçu et on était traité de « beauf ». Aujourd’hui, on va en soirée ou dans un festival hype en maillot de foot. En France, ça veut dire que ça commence à rentrer dans la case culture. On a des collabs génialissimes pour des maillots. D’une manière générale, on veut montrer qu’on ne manque pas de créativité.

Nous sommes en train par exemple de travailler aussi sur un produit « Ligue 1 Kids », à la manière de Nickelodeon avec la NFL et de la post-prod pour avoir un rendez-vous les mercredis pour les enfants avec des résumés de matchs en version animée (NDLR : la chaîne américaine diffuse des matchs et programmes avec des effets spéciaux pour séduire les plus jeunes – tout comme Disney+ avec la NHL en mode cartoon).

On pourrait imaginer peut-être un jour avoir une post-prod en direct mais là il faut de gros moyens… Il faut avoir cette capacité à innover aussi pour aller chercher d’autres publics et entrer dans le quotidien des gens.

Ce projet de Ligue 1 Kids est en cours. Il y a d’autres projets, des collab’, du merchandising, des projets évènementiels, des viewing parties en France à l’international. Il y a des contenus inside avec les clubs,… un univers musical, ça sera très protéiforme et inventif !

SBB : Le film de marque est signé de l’agence Sid Lee, quel était le brief ?

JD : L’agence Sid Lee nous a accompagné sur le projet avec Big Productions et Adrien Lagier à la réalisation. On souhaitait marquer les esprits pour envoyer un message et montrer que « la révolution » est en marche, que la Ligue 1 prend un virage qu’elle n’a jamais pris, un virage pour en faire un produit culturel. Et Adrien Lagier est sorti du lot avec une approche qui nous a plu.

SBB : Vous avez partagé le film sur Instagram avec le compte international 433, un mot sur cette cible en dehors nos frontières ?

JD : On n’a jamais été aussi bien diffusé à l’international que sur ce cycle-là. Ce film de marque sera donc exposé auprès de l’ensemble de nos diffuseurs internationaux. La conquête de fans à l’international est importante. Le pied de nez fait à la Premier League et aux anglais est rigolo, d’ailleurs, ce serait drôle qu’il nous réponde…

Pour entrer dans le top 3 des ligues de foot en Europe, il faut se comparer aux meilleurs. Dans notre direction de comportement de marque, on va plutôt regarder ce que fait l’UFC, la NHL, la NFL et la NBA.

SBB : Le Lab Unlimited, c’est quoi concrètement ?

JD : Ça fait plus d’un an qu’on travaille dessus. On a sourcé beaucoup, beaucoup de monde qui aiment le football. Le Lab, c’est un peu l’incarnation de cette diversité. Une diversité de talents, d’expertises, de connexions, d’inspiration. C’est un peu l’outil de transformation au service de la Ligue 1. C’est une nouvelle approche, c’est le terrain de jeu de la jeunesse, créative et audacieuse. On a une approche qui va connecter la Ligue 1 à ce que je vais appeler les nouveaux territoires culturels : la tech, le gaming, l’entertainment, la musique, l’art, le design, la gastronomie, la mode. C’est un espace qui est dédié à l’innovation, à l’expérimentation, à la prise de risque. Nous, on veut étendre la richesse culturelle du football français. On se définit comme étant vraiment un provocateur de rencontres. On va avoir une sorte de collectif qui va venir bousculer les perceptions dans laquelle d’ailleurs la société a un peu trop tendance à placer la culture football.

L’objectif sera de livrer des collaborations inédites, des campagnes, des activations et des expériences nouvelles. On va faire un premier rassemblement au mois de décembre. On n’a rien inventé sur ça d’autres l’ont déjà fait. Mais encore une fois, la culture ne s’achète pas.

SBB : Comment ce nouveau territoire de marque nourrit une attractivité auprès des partenaires ?

JD : McDonald’s était déjà au courant de notre stratégie d’élévation et ils se retrouvent dans cette direction. D’autres marques, je ne peux pas les citer parce que c’est encore en discussion, dans la tech, des marques hyper tendance, de grandes consos aussi, s’intéressent de plus en plus à notre approche. Ils sentent qu’il se passe quelque chose. Nous sommes certains que cela permettre l’élargissement de notre audience et notre base de souscripteurs, et la valeur financière de la marque va augmenter. Tout ça au service des clubs et des joueurs.

SBB : La signature « football à la française », où pourra-t-on la voir ? Comment allez-vous l’utiliser ?

JD : Partout ! Aujourd’hui, on a « We will show you » pour le côté provocation. Dans un premier temps, on souhaite que chacun nous partage sa vision du football à la française. On va s’amuser un petit peu avec cette expression. On souhaite démocratiser la Ligue 1 et qu’elle appartienne à tout le monde.

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