Interview : Julien Gourbeyre, Fondateur de VESTIAIRES coaching

David Bettoni, ancien adjoint de Zinédine Zidane au Real Madrid et Julien Gourbeyre, Fondateur de VESTIAIRES coaching

Après 15 années d’existence et 119 numéros, VESTIAIRES – la revue pédagogique de référence à destination des éducateurs de football – a réussi son pari de la digitalisation avec « VESTIAIRES coaching ».

Son fondateur et directeur, Julien Gourbeyre, nous parle de cette mutation entamée à la rentrée et du développement à venir de la marque à l’international.

Sport Buzz Business : Trois mois après le lancement de VESTIAIRES coaching, plateforme web ayant remplacé le magazine du même nom, quel premier bilan faites-vous ?

Julien Gourbeyre : Un bilan forcément positif si l’on considère la fuite d’une très faible part de nos abonnés, tandis que nous avons enregistré depuis la rentrée l’équivalent d’une année entière d’acquisition de nouveaux souscripteurs ! Le démarrage est donc très prometteur.

SBB : Pourtant vous n’avez pas choisi la facilité en décidant non pas de digitaliser à proprement parler votre bimestriel, mais de proposer du jour au lendemain un site payant avec des contenus publiés quotidiennement…

JG : Du jour au lendemain non, car nous avions pris soin de communiquer dès le mois de mai. En revanche, le choix de casser le modèle tout en conservant la même ligne éditoriale, le même ADN, était effectivement un pari osé. Mais transformer VESTIAIRES en PDF aurait renvoyé selon moi l’image d’une régression. Or, j’ai toujours dit que si nous devions un jour passer au numérique, c’était pour essayer de faire mieux.

« La reconnaissance des entraîneurs, amateurs comme professionnels, nous a permis cette année de réaliser une levée de fonds de 250 000€ exclusivement auprès de coaches de haut niveau »

SBB : La décision a-t-elle été facile à prendre ?

JG : Non car elle nécessitait de mettre de côté toute considération affective et autre frein au changement, au profit d’une analyse objective de la situation. On dit qu’un entraîneur qui sent son équipe en fin de cycle ne doit pas attendre de perdre pour changer son plan de jeu. C’est pareil dans le monde des affaires. A condition de savoir expliquer les choses en interne. Car si transformer un magazine en difficulté se nourrit de l’énergie du désespoir, le faire avec un qui fonctionne, comme ce fut le cas pour nous, puise dans une autre source, celle de la conviction qui amène au changement. Et là c’est moins évident.

SBB : Alors en définitive, qu’est-ce qui est à l’origine de ce basculement ?

JG : Il n’y a pas une raison en particulier mais plusieurs facteurs qui, mis bout à bout, nous ont convaincu qu’il nous fallait agir aujourd’hui pour éviter de subir demain : l’accélération ces dernières années du changement dans le mode de consommation, la forte appétence pour le format vidéo, la difficulté nouvelle à attirer une audience jeune, l’augmentation historique du coût du papier ou encore la multiplication de ce que l’on nomme les produits de substitution. Des sites Internet, blogs et autres comptes spécialisés sur les réseaux sociaux qui publient des contenus gratuits en se proclamant experts – sans l’être la plupart du temps – mais occupent malgré tout le terrain au risque de détourner un peu trop l’attention…

SBB : Vous déplacer sur leur terrain justement, pour asseoir votre position de leader ?

JG : On peut dire ça comme ça. Il devenait peut-être moins évident pour un éducateur de se tourner spontanément vers nous pour assouvir sa soif de connaissances et nourrir sa réflexion. Le message commençait à être brouillé. Il était temps pour VESTIAIRES, reconnu depuis sa création comme la lecture de référence pour les éducateurs, de rétablir le signal.

« On dit qu’un entraîneur qui sent son équipe en fin de cycle ne doit pas attendre de perdre pour changer son plan de jeu. C’est pareil dans le monde des affaires. »

SBB : Quels sont les atouts de votre marque aujourd’hui ?

JG : Nous sommes sur un marché de niche, certes, mais plus d’un tiers de notre modèle économique repose sur le BtoB. Cette reconnaissance des instances, en France comme à l’étranger, nous rend solide. La reconnaissance des entraîneurs, amateurs comme professionnels, est aussi à mettre à notre crédit. C’est elle qui nous a permis cette année de réaliser une levée de fonds de 250 000 euros exclusivement auprès de coaches de haut niveau.

SBB : Vous avez été mandaté pendant un an par la Major League Soccer (MLS) pour la création de supports pédagogiques. Vous visez le marché anglophone, comme la version anglaise de VESTIAIRES coaching le laisse supposer ?

JG : En quinze ans, nous avons développé un savoir-faire à mi-chemin entre expertise technique et compétences éditoriales. Cette double casquette a suscité l’intérêt de plusieurs fédérations désireuses d’être accompagnées dans la création ou modernisation de supports pédagogiques et/ou de communication. De ces opportunités est née notre agence spécialisée, en 2018, dont la vocation est aussi d’accompagner des marques dans leur développement sur le marché du football francophone. Quant à la plateforme VESTIAIRES coaching dont l’appellation est VCOACHING à l’international, elle avance désormais dans le sillage de l’agence après que celle-ci s’est frayée un chemin à l’étranger grâce à la réputation du magazine… Un cercle vertueux en quelque sorte qui nous autorise à viser le marché étranger dont les États-Unis en effet.

SBB : Le papier c’est fini ?

JG : Pas du tout ! En tant qu’amoureux des livres, nous préparons quelques belles surprises à nos abonnés en 2025…

SBB : Il parait que vous n’êtes pas toujours facile à suivre…

JG : Qui vous a dit ça ? Vous êtes bien renseigné (rires). Je cherche sans cesse à me réinventer, je ne suis pas du genre à rester les bras croisés à attendre que ça se passe. Il suffit de voir l’évolution depuis 2009. On n’a pas tout réussi mais on est toujours resté en mouvement, ce qui est fondamental en football ! Alors c’est vrai que ce n’est pas toujours évident pour mes collaborateurs. Mais ceux qui me connaissent savent que je sais parfaitement où je vais. J’ai simplement besoin parfois d’un peu de temps pour leur en indiquer clairement le chemin (sourire).

SBB : Seize ans après avoir lancé VESTIAIRES, vous n’êtes pas lassé ?

JG : Non. La preuve, c’est que je me montre toujours aussi exigent dans la qualité des rendus. Je ne supporte pas l’à peu-près. Ma tolérance à l’erreur n’est pas ma qualité première mais j’y travaille… Heureusement, j’ai la chance d’avoir une bonne équipe autour de moi, des gens bien. Il y a certaines valeurs humaines historiques à l’entreprise et héritées de ma maman qui y a travaillé pendant plus de dix ans, sur lesquelles je ne peux pas transiger.

SBB : Le magazine, l’agence, la digitalisation, l’international… Trouvez-vous encore du temps pour enfiler le costume d’éducateur ?

JG : Plus depuis 2020 et mes quatre années passées en tant qu’éducateur à l’Olympique Lyonnais. Je suis actuellement en pause et ça me va bien. Il est important de savoir se nourrir d’autres choses, de se préserver aussi. J’ai la chance d’avoir une femme extraordinaire qui m’aide à relativiser ce que je vis en entreprise, en mal comme en bien, ainsi que deux magnifiques garçons de 17 et 14 ans qui n’aiment pas le foot et suivent de très loin ce que je fais. Je ne pouvais pas rêver mieux pour couper mentalement une fois rentré chez moi !

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