Au lendemain de la victoire de l’Equipe de France de Handball à l’Euro 2024 disputé en Allemagne, toute la délégation s’est réunie au siège d’adidas à Paris pour un échange avec les médias.
Lundi, dans le hall du siège d’adidas situé dans le 2e arrondissement de Paris, les journalistes attendent leur tour. La France vient d’être sacrée championne d’Europe pour la 4e fois de son histoire. Une performance extraordinaire qui confirme la place de la France parmi les meilleures nations du monde. Dimanche en fin de journée, l’événement a été suivi par 8 millions de téléspectateurs sur TF1 à la fin du match.
Au 6ème étage, Philippe Bana, président de la Fédération Française de Handball, nous attend pour une interview. Joyeux, ultra détendu et un poil fatigué malgré une vivacité certaine, il s’installe.
« On a besoin d’avoir un marketing à la hauteur de nos résultats sportifs »
Sport Buzz Business : Après cette victoire historique, quelles sont les retombées médiatiques et marketing que vous attendez ?
Philippe Bana : Nous ne sommes pas dans un système mécanique. À une époque, on était dans cette conception, le résultat sportif déclenche immédiatement le résultat sponsoring. Depuis 2020, on a travaillé sur le marketing, le sponsoring, sur les droits TV, sur les plateformes, sur le merchandising. On a travaillé de manière systémique et sur du long terme. On reste sur des performances sportives durables avec des évènements récurrents. Lorsque nous sommes en demi-finale ou finale, c’est une audience TV de 6 millions de personnes en moyenne. Que ce soit chez les garçons ou les filles d’ailleurs, c’est paritaire, c’est intéressant à observer en termes de marketing. Nous sommes assez stables depuis 2020. La répétition des deux titres sur les deux mois est en revanche un accélérateur.
On a signé un contrat avec la plus grosse agence de sponsoring en France qui est Sportfive, qui est aussi l’agence de la fédération internationale. On a anticipé le remodelage de la pyramide marketing de la Fédération Française de Handball pour que les Olympiades 2024 et 2028 soient totalement différentes des Olympiades précédentes où on avait des contrats verrouillés, où ça ne bougeait pas beaucoup.
On nous disait « vous ne gagnerez jamais plus etc. » Là, on est plutôt dans un effet tremplin, mais un effet tremplin calculé. Il y a un calcul lourd, indépendant des résultats, sur la stratégie marketing, la stratégie merchandising, la stratégie événementielle. On a dépensé 4 millions d’euros.
On a relancé le merchandising. Par exemple, le lendemain de la victoire, il y a eu des achats massifs des t-shirts qui sont déjà produits. Donc la fédé de handball est en train un petit peu de changer de peau, c’est la mue.
https://twitter.com/FRAHandball/status/1751694207360901420
« On a 10 enjeux simultanés en 2024 qui peuvent nous faire changer de paradigme »
SBB : Qu’est-ce qui sera réellement différent par rapport aux autres Jeux olympiques ?
P.B : On a fixé des objectifs marketing de 50% d’augmentation du chiffre d’affaires de la Fédération Française à court terme, c’est-à-dire à partir de 2025. La période de 2024, c’est la période de renégociation des contrats. On en a besoin parce que notre budget est passé assez fantastiquement à 50 millions d’euros après le Covid. Pour nous, c’est une révolution parce qu’on a presque doublé notre budget. On prend énormément de risques, énormément d’initiatives et on a besoin d’avoir un marketing à la hauteur de nos résultats sportifs. Il faut vraiment changer de planète si, demain, on veut réduire le gap existant entre le handball, le tennis ou le rugby. Le rugby est d’ailleurs un peu notre modèle de marketing. La pub a été interdite dans le handball jusqu’en 1984…On rattrape un retard mais là, on est théoriquement sur la phase exponentielle.
Je suis quelqu’un qui arrive du milieu de la performance (NDLR : il a été entraîneur et DTN), qui a fabriqué ce système de réussite et derrière, on l’a appliqué partout dans la maison. En marketing, en sponsoring, en droits TV, en création de plateforme… On a 10 enjeux simultanés en 2024 qui peuvent nous faire changer de paradigme. On organise une une fan zone de 5 000 personnes pendant trois semaines pendant les JO, à la maison du handball, on organise une incroyable tournée dans douze villes françaises avant les JO, on est en train de construire des terrains de hand à 4 et de beach handball… On prend des risques, énormément de risques, y compris celui d’avoir choisi cette agence marketing. On ne joue pas au poker, mais l’année 2024 est théoriquement une année exponentielle en termes de marketing large et pas que de sponsoring, mais aussi événementiel.
« adidas, c’est une marque humaine. Tu ne fais pas que du business avec ces gens-là ! »
SBB : Et ces risques, comment sont-ils perçus par adidas, votre équipementier, une marque mondialement connue ?
P.B : Ils l’ont très bien compris. Ce n’est pas la même relation avec adidas. On a une relation plus profonde avec tous nos partenaires, mais adidas, c’est une relation encore plus profonde parce qu’elle dure depuis 50 ans. De mes premiers souvenirs, on a vécu avec une réelle aventure. Ce n’est pas du partenariat, c’est une aventure humaine, quand ça n’allait pas, quand ça allait bien avec des grands athlètes comme Jackson Richardson, Nikola Karabatic… Aujourd’hui, on est extrêmement proche du nouveau patron Björn Gulden et de Mathieu Sidokpohou(managing directeur d’adidas Europe), ils portent un regard dynamique sur le handball. Avec l’athlétisme, nous sommes les deux sports qui les portent aux Jeux Olympiques.
Pour moi, c’est une grande marque en termes d’intelligence, de produit, de vision et surtout, c’est une marque humaine. Tu ne fais pas que du business avec ces gens-là. On fabrique le sport ensemble.
https://twitter.com/SportBuzzBizz/status/1751998436222673222
SBB : C‘est pour cette raison que le premier arrêt des joueurs juste après leur retour d’Allemagne se fait ici au siège d’adidas à Paris ?
P.B : Oui ! On est en train de finaliser un nouveau contrat avec eux. On a fêté les 50 ans de notre partenariat à leur initiative au mois de décembre, c’était un événement extraordinaire. Il y a une bonne dizaine d’athlètes qui sont suivis par la marque. On repart sur une nouvelle période avec eux.
SBB : L’effet d’une telle victoire pour la fédération, c’est aussi potentiellement plus de licenciés à venir ?
P.B : Les licenciés, ce sont 20% de nos ressources, c’est essentiel. On a dépassé le nombre de licenciés d’avant Covid. Nous étions à 535 000 l’an dernier et on pourrait être à 600 000 en fin d’année, c’est l’objectif. Mais on a un facteur limitant de la pratique qui est l’installation sportive. En ce moment, on est en train de crever de l’absence de créneaux dans les salles. Il faut ouvrir les lycées. On commercialise avec Gerflor (partenaire officiel) des petits terrains de hand à 4, à l’image des terrains de basket 3/3, qui marchent très bien. On en a vendu et surtout diffusé 150.
Donc oui, les licenciés, ça reste une base très forte. On a un plus petit nombre de clubs que certaines fédérations de sports collectifs, 2400, mais ce sont des PME, des clubs à 400, 600 licenciés, des grosses boites qui tournent avec 10, 20 équipes, des éducateurs permanents. C’est assez impressionnant et pour l’instant tout se passe bien.
Après, le club est l’avenir de notre sport. Il y a un vrai sujet de marketing direct avec les clubs, un sujet de service, de digitalisation avec eux. On leur a offert des solutions BasiCompta, HelloAsso,… Il y a une espèce d’écosystème digital aussi qui gravite autour de nos clubs, qui est un enjeu pour nous.
On a aussi lancé la plateforme HandballTV où on a mis tout le handball dessus, les deux ligues professionnelles et la fédé de handball avec beIN Sports. C’est la première plateforme dans laquelle un média investit, ça préfigure la télé de demain. 10 000 abonnés, 50 000 comptes, il y a quelque chose qui est en train de se passer. Ça fait partie, comme le reste de nos initiatives, d’innovations.
SBB : En parlant de digital, est-ce que vous avez constaté un certain engouement sur les réseaux sociaux pendant la compétition ?
P.B : Là aussi, il y a les effets de la compétition directe, mais nous sommes plus solides que par le passé. Notre politique de communication, qui représente 7 ou 8% de notre budget, est récurrente, endémique et systémique.
Oui, l’Euro nous fait une accélération extraordinaire, le but de (Elohim) Prandi tourne sur la planète entière depuis trois jours. Mais le nombre de followers monte régulièrement, de mémoire, on doit être à plus d’un million et demi. On est multi-plateforme avec Instagram, Twitter, Facebook et on explose sur TikTok.
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Cette direction de la communication n’existait pas à la fédé de handball en 2020. Je l’ai créé de toute pièce en arrivant, on a embauché les professionnels. Il y a aujourd’hui une dizaine de salariés en interne. On a créé une vraie boîte de comm’ en interne, en plus des prestataires. Ça représente un budget de l’ordre d’un million et demi par an. On a des vraies visions.
« Dans les années 2000, quand on gagnait, on était massacré le lendemain matin par la médiocrité de notre communication »
Par exemple, on a gagné dimanche et lundi tout était prêt. Trois minutes après, tous les posts sortent. Dans les années 2000, quand on gagnait, on était massacré le lendemain matin par la médiocrité de notre communication. Mais vraiment ! On n’avait pas de t-shirts, on n’avait pas de posters… Il n’y avait rien ! Tu avais gagné et c’était tout. Là, tout le monde dit « Oh la vache ! Trois minutes après, il y a des trucs qui sortent. La centrale d’achat a déjà sorti les t-shirts. » Il y a les points presse organisés, les rotations avec les partenaires. Par exemple, il y en a trois qui partent chez Lidl. Il y en a deux qui partent chez Butagaz.
On a fabriqué une machine à marketing. Moi, j’étais le patron du sportif, donc ça m’a été facile de dire aux sportifs « Maintenant, vous vous mettez au service de la boîte, vous arrêtez votre vie dans votre coin comme quand j’y étais. » Et donc, la mayonnaise prend et s’accélère.
SBB : Aujourd’hui, cette stratégie est nécessaire pour une fédération qui veut se développer…
P.B : On a une vingtaine de partenaires, une trentaine de fournisseurs officiels. Il faut produire pour chacun d’entre eux, des images, des vidéos, des posts… Le sportif sait que dans une semaine de travail, il y a une demi-journée ou une journée de production qui est liée au fait qu’on a besoin d’eux pour faire tourner la machine. Aujourd’hui, on a des conventions avec eux qui sont beaucoup plus lourdes et sérieuses que par le passé et donc, tout le monde joue le jeu. Le sportif s’est mis au service du marketing.
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