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Les enjeux 2025 – Médias : Contenus sportifs / Evolution des consommateurs & des canaux de diffusion, quelles conséquences ?

Article écrit par Stéphane PICOT

« Assistons-nous à la fin de la télévision ? » est le titre accrocheur du dossier du centre d’observation de la société, publié en janvier 2023, sur la base des chiffres de Médiamétrie (1). Les auteurs nous révèlent que les gens regardent de moins en moins la télévision. Mais ce qui est plus surprenant, c’est que cette tendance touche toutes les classes d’âge. Celle qui résistait jusqu’à présent était les plus de 50 ans. À son tour, elle vient de céder. Ce changement de consommation est donc général mais également rapide et important. « La durée passée devant le petit écran a diminué de 30 minutes par personne entre 2020 et 2022. Du jamais vu dans l’histoire des statistiques d’audience. Cette durée avait commencé à fléchir au milieu des années 2010, mais la baisse s’accélère nettement » révèle l’étude.

Ce qu’on note également, c’est que la concurrence des autres formes d’écran (téléphone, ordinateurs ou jeux vidéo) qui semblait complémentaire devient frontale. Jusqu’à présent, les autres formes d’écran étaient consommées en plus de la TV. Mais le temps n’étant pas extensible, les gens consomment dorénavant les autres écrans à la place de la télévision. La durée passée sur internet a explosé. Selon Médiamétrie, chaque individu y consacre 2h24 par jour en moyenne, contre 50 minutes en 2012. « Dans une société marquée par l’hypermobilité et l’immédiateté des échanges, les usages digitaux rythment le quotidien des Français » (2), analyse Médiamétrie sur l’année 2023.

Bertrand Krug, Directeur de Digital & Presse, ajoute, « en 2023, les réseaux sociaux et messageries confirment leur puissance d’influence sur la toile. 2 Français sur 3 les consultent chaque jour, un pourcentage en progression de 4 points sur un an. Et la multiplication des acteurs ne diminue pas l’intérêt des internautes pour le social puisqu’ils consultent en moyenne 3,5 réseaux sociaux et messageries par jour. Chez les 15-24 ans, ce chiffre s’élève même à 4,4. » Ces chiffres montrent l’intérêt des jeunes pour le web et les réseaux sociaux et évidemment leur désintérêt pour la télévision. Ces contenus vidéos sont principalement consommés sur leur mobile. Cette évolution touche tout le monde. Mais ce changement de support n’altère pas la consommation de programmes notamment sportifs, bien au contraire. Ce qui a été bouleversé ce sont les canaux de diffusion. Si on fait un état des lieux, on dénombre 6 familles différentes de diffuseurs.

1. TV gratuite (flux en continu)

On y retrouve majoritairement les événements sportifs majeurs, comme la Coupe du Monde de Football, la Coupe du Monde de Rugby, les JO, le Tour de France, la Coupe du Monde de biathlon, etc. On y trouve également de nombreuses émissions d’information sportive (« Stade 2 » et « Jour de Sport » sur France 3, « L’Équipe de Greg » et « L’Équipe du Soir » sur L’Équipe TV, etc.).

2. TV payante (flux en continu)

Sur ces chaines payantes, de très nombreux événements sportifs en direct sont diffusés, comme la Ligue des Champions et le TOP 14 sur CANAL+, la NBA sur beIN Sports, etc. Ces chaînes retransmettent aussi beaucoup de compétitions de sports moins médiatisés, comme le ski alpin qui est diffusé sur Eurosport. L’ARCOM dans sa dernière étude a indiqué la forte domination des chaînes payantes, sur le secteur de la captation sportive, en termes d’heures de diffusion. « Sur les 145 335 heures de programmes sportifs diffusés en 2019, 95 % sont proposées par des chaînes payantes (137 553 heures), contre 5 % par des chaînes gratuites (7 024 heures) » (3). Ces chaines ne se cantonnent pas seulement à retransmettre des programmes en direct, elles diffusent également de nombreux talk-shows et magazines sportifs.

3. Plateforme généraliste numérique payante (flux à la demande ou live)

Bien que les plateformes comme Netflix et Paramount ne se concentrent pas spécifiquement sur le sport, certaines séries documentaires ou films sur des sportifs sont disponibles. Netflix a d’ailleurs révolutionné le documentaire sportif avec « Formula One », « Au cœur du peloton », « The Last Dance », etc. Amazon Prime Video propose parfois des émissions sportives ou des programmes sportifs en direct comme la Ligue1 & 2 (entre 2021 et 2024) ou encore les matchs du soir se disputant à Roland Garros. On se souvient d’ailleurs de la polémique autour du quart de finale opposant Novak Djokovic à Rafael Nadal en 2021, diffusé uniquement sur Prime Video.

Netflix, à son tour, a décidé de retransmettre des rencontres sportives. Il a diffusé en direct le 15 novembre 2024, le combat de boxe opposant Jake Paul à Mike Tyson. Il va se positionner un peu plus sur le terrain du spectacle sportif et du sport en direct en général, puisqu’il diffusera à Noël deux matchs de football américain en direct, puis du catch à la rentrée 2025 (4).

4. Plateforme spécialiste numérique payante (uniquement live)

Ce sont des sites internet qui donnent accès à des événements sportifs en direct ou à des rediffusions spécifiques. Ce sont souvent des contenus exclusifs autour de certains sports ou ligues. Par exemple, le site payant Fanseat propose un choix d’événements sportifs en direct, notamment dans les sports moins couverts par les grandes chaînes, comme la Ligue Magnus en hockey-sur-glace.

5. Plateforme numérique gratuite

Ce sont des plateformes gratuites, sur lesquelles les contenus sont financés par la publicité. Le revenu moyen par 1 000 vues se situe entre 0,20 € et 5 € (7). Le placement de produit est souvent utilisé pour optimiser les revenus. Sur ces plateformes, on retrouve souvent des highlights et rediffusions de matchs. C’est le cas avec YouTube, puisqu’on peut regarder les résumés de matchs de NHL, NBA, etc. Sur Twitch on trouve des streaming d’événements sportifs ou de jeux vidéo dédiés au sport. D’autres contenus sont également diffusés comme des analyses, des commentaires et des émissions autour du sport animé par des influenceurs ou Youtubeurs.

6. Réseaux sociaux

Sur les réseaux sociaux, ce qui prévaut, ce sont les Streams d’événements sportifs, d’interviews de joueurs et d’analyses. On retrouve sur Facebook, X, Tik-Tok ou Instagram ce type de contenu mais aussi des contenus générés par les utilisateurs, vlogs sportifs et contenus engageants (5).

Cela révèle que les canaux de diffusion sont variés. Les fans ont l’embarras du choix pour accéder à des programmes sportifs, en fonction de leurs préférences et de leurs habitudes de consommation.

Face à évolution du paysage médiatique, il est essentiel que les propriétaires de contenu soient stratège et innovant afin de s’adapter à ces nouveaux canaux de diffusion et aux nouvelles habitudes des consommateurs. Même si leur business actuel des droits de diffusions se porte bien, il n’empêche que l’intérêt pour certains sports évoluent énormément. Fin 2023, SportBusiness.com a révélé que le business des droits médias atteignait 56 milliards de dollars. En 2024, une croissance de 11% est attendue. Le football draine à lui seul plus de 35% de ce pactole (6). Mais les droits de certains grands championnats européens commencent à baisser. C’est le cas de la Ligue 1 de football en France. Les droits de diffusion de la Ligue 1 ont chuté de 30% en l’espace de 5 ans (entre 2019-2020 et 2024-2025). Cette tendance fragilise l’économie des clubs, puisque les droits TV sont leur première source de revenu. Ils représentent plus de 50% de leur chiffre d’affaires.

Afin de répondre à cette possible baisse globale des droits de diffusion, les instances sportives mènent une réflexion pour faire évoluer les contenus des programmes. Deux tendances se dégagent. La première consiste à modifier les règles de compétition et la seconde à innover d’un point de vue technologique.

Nombreuses sont les instances sportives à réfléchir à modifier les règles qui régissent les compétitions et plus spécifiquement celle du format et même parfois de la durée de certaines compétitions sportives. Ils estiment que la retransmission médiatique de leur sport n’est plus adaptée aux attentes d’un public hyperconnecté et hyper volatile. Ils veulent apporter plus de suspense, plus d’actions, plus de rapidité…ce qui peut parfois dénaturer certains sports. Mais n’est-ce pas la bonne solution ?

La problématique du format et de la durée des compétitions sportives face aux attentes d’un public hyperconnecté est un sujet de débat intense.

En réduisant la durée ou en modifiant le format, les instances sportives peuvent attirer une audience plus jeune et plus diversifiée, qui privilégie souvent des contenus plus courts et plus dynamiques. Cela répond à la tendance actuelle de consommation médiatique, où l’attention est limitée. C’est d’ailleurs cette voie qu’essaie de suivre l’ATP. En avril dernier, ils ont testé de nouvelles règles destinées à accroître l’attrait des tournois de double et surtout à réduire la durée des rencontres. Ainsi, au lieu d’avoir 25 secondes entre deux points, le serveur n’en a que quinze si le point précédent a donné lieu à moins de quatre échanges et récupérera les 25 secondes en vigueur si le point a atteint ou dépassé les quatre échanges. De même, les joueurs ne seront pas autorisés à s’asseoir systématiquement tous les deux jeux.

Des formats plus courts et plus rythmés, peuvent générer davantage de suspense et d’excitation. Cela peut accroître l’engagement des spectateurs, tant en présentiel qu’à la télévision ou sur les plateformes numériques. C’est la révolution qu’a opéré le cricket. L’Indian Premier League (IPL) a popularisé le format T20, en réduisant les rencontres à 20 overs par équipe.

Cette tendance à réduire les temps de compétitions est de plus en plus prégnant, car avec des emplois du temps chargés, de nombreux fans trouvent difficile de consacrer plus d’une heure à un événement sportif. Des formats réduits pourraient rendre la consommation des sports plus accessible. Ce fut le pari du rugby en dépoussiérant son format à 7 et en poussant son intégration aux JO. Un match se joue en deux mi-temps de 7 minutes. Autre exemple, celui du basket avec le 3×3. Ses origines remontent à plusieurs décennies et viennent du « street ». La FIBA l’a formalisé en 2007-2008 et il a intégré les jeux en 2021. Les rencontres durent 10 minutes ou moins (première équipe à inscrire 21 points) . Ces 2 sports ont rencontré un immense succès lors des derniers Jeux Olympiques de Paris 2024.

Mais évidemment ces nouveaux formats peuvent susciter des critiques. Changer la durée ou le format peut nuire à l’essence même du sport. Par exemple, le ski-alpinisme qui est à la base un sport d’endurance, a développé un format court (« sprint ») pour répondre aux attentes médiatiques (il a ainsi été intégré aux JO de 2026 de Milan-Cortina). Les fans de longue date peuvent percevoir ces changements comme une trahison des traditions de leur sport favori. Des formats plus courts peuvent réduire les opportunités d’analyse et de narration de l’événement. Un match de football, par exemple, permet de raconter une histoire au fil du temps, ce qui est plus difficile à réaliser dans un format plus succinct.

La question de savoir si c’est la « bonne » solution dépend de l’équilibre que l’on souhaite trouver entre innovation et tradition.

D’autres réfléchissent à faire évoluer technologiquement leur sport. Des ligues professionnelles comme la NBA, la NFL et la Premier League collaborent avec des groupes de R&D ou des startups spécialisées dans la technologie sportive pour innover. Par exemple, la NBA est en train de développer des formats immersifs de visionnage en réalité virtuelle. D’autres instances mettent en places des commissions ou départements dédiés à la recherche et au développement (R&D) comme la FIFA avec son « Innovation and Technology Working Group » qui essaie de faire évoluer la VAR (assistance vidéo à l’arbitrage).

Ces évolutions technologiques ne concernent pas seulement les instances sportives mais également la manière de retransmettre les compétitions. Sous l’impulsion de Charles Bietry, Canal+, qui avait fait du sport un de ses programmes phares, avait comme préoccupation première de faire vibrer le téléspectateur. Il partait du principe que la télévision ne pouvait pas retranscrire l’émotion vécue par le spectateur dans les tribunes. Il fallait donc trouver des solutions pour aller capter l’émotion dans ses moindres détails. Le problème fut résolu par l’utilisation de plusieurs caméras pour filmer l’action et l’emploie de consultants sportifs renommés n’ayant plus le discours traditionnel techniciste des premiers consultants télé mais une analyse des intentions et du ressenti des joueurs grâce à leur vécu personnel. La recherche aujourd’hui est toujours la même : faire vibrer en étant au plus près des sportifs ! Les diffuseurs sont de plus en plus innovants, utilisant fréquemment des technologies interactives pour enrichir l’expérience de visionnage (ex. : statistiques en temps réel, caméras embarquées) et créer plus d’engagement sans changer le format de base (caméra sur l’arbitre de rugby ou de hockey sur glace…).

En conclusion, il est essentiel de prendre en compte les évolutions technologiques, sociétales et les changements de consommation afin de faire évoluer le programme sportif. Toute la difficulté réside à faire cohabiter innovation et tradition. L’innovation doit toujours être pensée de manière réfléchie pour ne pas nuire à l’identité et à la richesse des disciplines sportives.

Autre danger, ne pas se remettre en cause par suffisance ou ignorance, peut laisser certains sports, petits ou grands, sur le quai de la gare. Il ne faut pas oublier que le client est roi !

Références :

(1) https://www.observationsociete.fr/modes-de-vie/loisirs-culture/duree-ecoute-television/#:~:text=Le%20soir%2C%20il%20ne%20reste,moins%20entre%202020%20et%202022
(2) https://www.mediametrie.fr/fr/lannee-internet-2023
(3) https://digitalmediaknowledge.com/medias/les-chaines-gratuites-diffuseront-elles-encore-des-evenements-sportifs-en-2030/
(4) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-monde-nouveau/un-monde-nouveau-du-lundi-18-novembre-2024-8940154
(5) https://www.nielsen.com/fr/insights/2021/tracking-the-evolution-of-global-tv-viewing/
(6) https://www.sportbusiness.com/2023/11/global-value-of-sports-media-rights-nears-56bn-sportbusiness-report-reveals/
(7) https://www.i-announce.net/comment-regarder-un-match-de-foot-en-direct-sur-youtube/

 

 

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