En fin de semaine dernière, le journaliste F1 Jean-Louis Moncet a déclaré sur Europe 1 avoir eu une conversation avec le fils de Michael Schumacher et d’affirmer que « ce n’est pas le choc, mais le pilier de la GoPro qu’il avait sur son casque qui a abîmé son cerveau».
Alors que plusieurs médias anglo-saxons avaient déjà évoqué cette piste sans conséquences importantes sur la marque ou ses investisseurs, cette déclaration marque une rupture en ce qu’elle constitue une mise en cause très grave et crédible par celui qu’il l’émit. En ce début de semaine, L’action GoPro a perdu plus de 12% à l’ouverture du Nasdaq.
Comment la marque qui produit ces petites caméras aurait-elle dû réagir ? Une note de synthèse rédigée par Florian Silnicki (Expert en stratégies de communication) et Sébastien Chenu (Consultant en communication politique, ex-Directeur de la stratégie de France 24 et conseiller du Délégué interministériel du SIG) tente d’apporter quelques éléments de réponse.
Note de synthèse (Florian Silnicki & Sébastien Chenu)
GoPro est la marque la plus connue de caméras miniatures à tel point d’ailleurs que la marque fait corps avec le produit. Elles sont habituellement fixées sur le corps ou un casque. Cette caméra est l’idole des adeptes de certains sports extrêmes, qui l’utilisent désormais systématiquement pour filmer leurs performances.
A l’antenne, le journaliste, spécialiste de la F1 sur la chaine cryptée Canal+, expliqua avoir eu une conversation téléphonique avec le fils de Michael Schumacher avant d’affirmer que «ce n’est pas le choc, mais le pilier de la GoPro qu’il avait sur son casque qui a abîmé son cerveau».
Alors que plusieurs médias anglo-saxons avaient déjà évoqué cette piste sans conséquences importantes sur la marque ou ses investisseurs, cette déclaration marque une rupture en ce qu’elle constitue une mise en cause très grave et crédible par celui qu’il l’émit.
Comment la marque qui produit ces petites caméras aurait-elle dû réagir ?
Alors que le grand public se demande désormais si GoPro est vraiment responsable, la marque fait l’erreur de ne pas communiquer. Comment le comprendre alors qu’elle ne peut pas sérieusement espérer que cela s’étouffe ?
Le danger est pourtant considérable pour la marque. D’abord parce que l’image de GoPro est dores et déjà écornée. Ensuite parce que la confiance des investisseurs en la marque est manifestement atteinte. Ils ont besoin d’informations. Ils ont besoin d’être rassuré. C’est légitime. Déjà, la marque n’avait pas réagi alors que les affaires Merah ou Nemmouche avait durablement associé ses produits à des drames commis par des criminels.
Mais déjà, avant ces crimes, la marque était montrée du doigt. Ainsi, dans une dépêche publiée par la très sérieuse agence AFP en date du 18 août 2013 il est écrit « Les GoPro, petites caméras que les sportifs fixent à la tête pour filmer leurs « exploits » et les poster sur des sites de partage en ligne ont fait « beaucoup de mal » » à l’alpinisme en l’occurrence.
Mais là, c’est une toute autre affaire, qui pourrait se ressentir sur les ventes. Car GoPro cible particulièrement les amateurs de sports extrêmes. Et sa mise en cause, même erronée, dans l’accident de Schumacher pourrait associer son image à celle d’un danger.
Depuis des semaines, des rumeurs circulaient sur Internet concernant la responsabilité de la marque dans l’état de santé du septuple champion du monde. En effet, de nombreux sites internet ont diffusé l’information selon laquelle le produit de la marque porté par Schumacher lors de son accident était, au mieux responsable de son état de santé, au pire l’un des éléments aggravant de son accident.
Que faut-il à la marque pour qu’elle réagisse ? La marque est-elle à ce point sûre de sa force et de sa notoriété pour ignorer ou mépriser ces informations manifestement nuisibles ?
Une marque comme GoPro, Digital native en ce qu’elle a utilisé tous les codes du web pour se développer, ne peut pas en ignorer les risques. Sans doute la marque, a t elle fait l’erreur de croire qu’elle pouvait ignorer stratégiquement ces informations afin de mieux les démentir formellement et officiellement une fois qu’elles auraient pris de l’ampleur. C’est une erreur considérable puisqu’avoir laissé s’amplifier la rumeur, c’est avoir pris le risque de perdre 10% de sa capitalisation boursière. L’explication est simple : la rumeur non démentie est devenue une information.
Alors, c’est vrai, il faut avant tout évaluer l’impact réel d’une rumeur afin de ne pas réagir de façon disproportionnée à la moindre information malveillante, sauf qu’en l’occurrence, les signaux faibles étaient si nombreux qu’aucun doute n’avait lieu d’être ici. La viralité de l’information associée à la multiplication des supports reprenant l’information aurait dû déclencher la prise de parole de la marque.
Au cœur de la crise GoPro, il y a finalement avant tout l’absence de communication de crise.
L’absence d’anticipation des risques est devenue socialement inacceptable. La marque doit donc tout mettre en œuvre pour expliquer que l’accident ne peut en rien être attribué à une négligence qui lui est imputable.
L’absence de réaction de la marque démontre en tous les cas qu’elle n’a pas bâti de stratégies d’anticipation ou de réponse à la crise qui soient susceptibles de rassurer ses publics.
Chacun sait que la responsabilité sans faute est devenue une réalité médiatique contre laquelle il est difficile de lutter. Tous les entrepreneurs savent désormais qu’une atteinte à l’image de leur société ou à l’une de leur marque est bien plus handicapante sur le long terme qu’une condamnation pénale.
Le silence peut s’expliquer pour une entreprise qui fait face à un ragot complètement délirant. Ce n’est pas le cas ici, d’autant que l’énoncé́ qui apparaît farfelu aux yeux de GoPro est crédible pour ses clients lambda qui relaient l’information sur leurs réseaux sociaux mais aussi pour ses investisseurs qui perdent confiance dans le capital image de la marque.
Le démenti s’imposait ici dès ce weekend. Vu le contexte émotionnel, sa rédaction devait être particulièrement empathique mais être très claire afin de ne pas laisser la possibilité au doute de s’installer.
L’humour, l’autodérision, la campagne de rappel ou le recours judiciaire ne paraissent pas ici des scénarios intéressants pour sortir de la crise que traverse la marque.
GoPro aurait dû prendre la parole. Un communiqué faisant office de démenti officiel pouvait efficacement être publié pour minimiser les impacts négatifs de la diffusion de cette rumeur. La marque pouvait ainsi y expliquer pourquoi sa direction souhaite réagir fermement à la rumeur qui tend à faire croire qu’il pourrait y avoir un lien entre son produit et l’accident du pilote. L’entreprise aurait également utilement pu y décrire à quel point elle est bouleversée que de tels propos puissent être véhiculé sur ses produits. Il aurait également été intéressant que la marque nous explique brièvement ses procédures ou ses investissements lourds pour garantir la sécurité de ses produits. GoPro pourrait aussi officiellement s’appuyer sur les rapports officiels qui tendent à exonérer la responsabilité de son produit. Elle pourrait aussi rappeler que l’enquête pénale la concernant a été classée sans suite.
Tous ces éléments sont importants parce que plus GoPro manifeste naturellement ses efforts pour empêcher la diffusion de cette information erronée, plus les consommateurs seront tentés de la croire et de continuer à faire confiance à ses produits.
La marque aurait d’autant plus dû réagir que ce n’est pas l’industrie de la caméra miniature qui est mise en cause en l’espère, comme cela aurait légitimement pu être le cas, mais bien sa marque. C’est donc la relation de confiance tissée avec le consommateur qui est directement impactée.
A l’heure du soupçon généralisé, le droit à la communication défaillante n’est plus permis.
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Jean-Louis Moncet au micro d’Europe 1 interrogé sur l’état de santé de Jules Bianchi et de Michael Schumacher
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