Interview – Loic Yviquel, CEO de Sponsorise.me

sponsoriseme

Il y a quelques semaines, Sponsorise.me a effectué une levée de fonds de plus de 2 millions d’euros auprès de quatre investisseurs étrangers, valorisant ainsi son capital à 10 millions d’euros. Coca-Cola est l’un d’entre eux et aurait une participation estimée à 5% par le biais de son programme de soutien à des start-up, Marketing Ventures.

L’occasion de poser quelques questions à Loic Yviquel, CEO de Sponsorise.me.

SportBuzzBusiness.fr : Le premier bilan pour Sponsorise.me est de 1.6M€ euros levés pour 3000 projets. Comment jugez-vous ces chiffres ?

Loïc Yviquel : C’est inespéré dans le sens où on a pris le virage du crowdfunding il y a un peu plus d’un an, ce qui n’était pas l’idée principale au départ. Si on m’avait dit il y a un an que nous en serions là aujourd’hui, je pense que je n’y aurais pas cru. Les chiffres sont intéressants, mais c’est notre modèle économique qui fait notre force.

SBB : En quoi votre modèle économique est-il si fort ?

LY : Le business du sport repose sur 3 axes. Le sportif ou club, la marque et l’audience. Il y aura toujours des sportifs et des athlètes qui chercheront des financements. Ils auront toujours une audience et les marques recherchent les audiences. Aujourd’hui, on l’appelle le crowdfunding, c’est un phénomène de mode, demain ça s’appellera sûrement autrement. Notre force, c’est d’avoir axé notre modèle sur ces trois piliers. Et on est les seuls aujourd’hui à avoir fait ça.

SBB : En quoi se différencie Sponsorise.me ?

LY : C’est un modèle de crowdfunding qui est basé sur 2 pieds : Les marques et les projets. C’est ça notre force et c’est ce qui fait que des marques comme Coca-Cola investissent chez nous. Coca comme d’autres investisseurs d’ailleurs. (NDLR : Des fonds d’investissement en l’occurrence)

Même le crowdfunding traditionnel, kickstarter, makeachamp… donc nos concurrents, n’ont pas réussi à intégrer les marques pour le moment. Ils sont basés uniquement sur le projet.

SBB : D’où est venue cette différence ?

LY : Il ne faut pas oublier que nous venons au départ de l’univers de la marque. Les marques nous challengent sans cesse pour toucher certaines audiences et nous demandent de raconter de belles histoires. Sponsorise.me est une machine à belles histoires. Tu vas dessus, tu vois les projets… C’est incroyable !

L’athlète qui veut participer aux Jeux Olympiques, il ne veut pas une Porsche, il veut juste financer son kiné et son entraîneur. C’est un sportif qui n’aura jamais accès au sponsoring traditionnel. Personne ne le connait, il n’a pas les compétences et aucun agent ne peut monter un modèle économique autour de lui.

Cet exemple sera valable encore dans les 10 ou 20 prochaines années. Et c’est pour ça que Coca-Cola vient chez nous en se disant que nous avons compris ce que l’on appelle le crowdfunding aujourd’hui mais qui s’appellera différemment demain.

SBB : C’est pour les belles histoires que les marques viennent chez vous ?

LY : Coca vient chercher une stratégie long terme d’où leur investissement dans notre capital mais sur la partie commerciale, ils viennent comme les autres, Intersport, BNP Paribas… chercher du contenu, raconter des belles histoires.

SBB : Le système est plus ou moins le même pour toutes les marques ?

LY : Les marques activent de manière plus ou moins différente. Mais au final, la base est la même. Nous sommes comme YouTube. Elles peuvent créer leur chaîne, soit totalement à leur couleur, soit en marque blanche. Intersport a créé MonProjetSportif.com, BNP l’a intégré dans WeAreTennis et Cofidis avec upmybike.

SBB : Pourquoi un tel engouement ?

LY : Il y a une mutation des marques qui deviennent de plus en plus responsables, sociales. Il y a aujourd’hui une volonté et une démarche de rendre à la communauté parce qu’au final, le regard de la communauté a pris une place importante et on ne peut pas lui raconter n’importe quoi. Et on est pile au cœur de ça.

Prenons l’exemple d’Intersport. Si vous avez un ami qui a besoin de 3 000€ pour financer son camp d’été et qu’Intersport l’aide à le faire, vous vous dites que la marque est cool. Et en plus, si vous aussi vous soutenez votre ami, Intersport vous donne un chèque cadeau à dépenser en magasin. Ce serait dommage de ne pas participer. Alors forcément dans la réalité, cela met du temps à bien s’installer mais nous sommes sur un modèle de ce type et ce n’est que le début.

SBB : On parle de projets et de marques mais des histoires comme avec le Rugby Club Toulonnais ou récemment Boris Diaw avec la JSA Bordeaux sont elles aussi présentes.

LY : Oui, l’enjeu de la monétisation pour des sportifs « anonymes » est là mais elle l’est aussi pour les grosses structures, le RCT par exemple. Tout le monde a des projets et une audience. Avec eux, c’est plus du conseil pour monter le projet car le besoin de financement est évidemment plus difficile à expliquer auprès des fans.

SBB : Sponsorise.me est vraiment dans une démarche win/win/win mais d’un point de vue business model comment se rémunère la plateforme.

LY : D’un point de vue rémunération, le site prend entre 10 et 20% de commissions. Ce qui évidemment n’est pas suffisant pour être viable en soit au vu du montant global que nous avons récoltés pour les projets (1.6M€). Nous avons également une partie conseil où l’on aide les marques à développer leur stratégie. Sur ce point, soit nous prenons une commission plus grande soit nous facturons des honoraires.

SBB : On peut aussi dire que la plateforme gagne en notoriété avec la visibilité que les marques et clubs lui offrent.

LY : Ces deals aident oui. Et les marques sont aussi là pour communiquer nos services. Intersport avec monprojetsportif.com peut diffuser un message à une audience que Sponsorise.me n’aurait pas pu toucher tout seul. Donc oui le système se nourrit de lui-même.

 SBB : Niveau ROI, les marques s’y retrouvent ?

LY : Dans notre système, une marque va donner une contrepartie pour chaque projet. Mais nous ne sommes pas dans des budgets d’investissements qui sont monstrueux pour les marques. Nous sommes des nains par rapport à ce qu’ils investissement dans les médias TV par exemple et le ROI est sans commune mesure.

SBB : Nous avons cité Coca plusieurs fois, à quoi peut-on s’attendre de l’association avec ce géant ? Une internationalisation ? Un développement vers l’Entertainment au sens large ?

LY : Ca ne l’est pas aujourd’hui, après on ne sait jamais mais c’est vraiment étape par étape. Nous allons d’abord essayer de devenir mondial dans le sport, de développer la technologie, se staffer… Ensuite, nous pourrons regarder si d’autres pistes peuvent être suivies.

Aujourd’hui, nous sommes sport et nous serons sport à 100% pour les 24 prochains mois. Nous avons aussi un gros focus avec Rio 2016, un évènement qui est très intéressant pour nous en terme de stratégie. Il y a beaucoup de projets olympiques qui arrivent sur la plateforme.

SBB : Comment s’adapte la plateforme sponsorise.me aux différents pays. Existent-ils de fortes différences culturelles sur le sujet ?

LY : Elles existent sur la législation notamment autour du paiement mais le marché du sport est le même partout. Dans tous les pays du monde, les 3 piliers sont présents : marque, sportif et audience. La problématique du financement est partout. C’est valable depuis 20 ans et ça le sera pour les 30 prochaines années, quel que soit le pays.

SBB : Quelle va être la place de la France dans cette internationalisation ? Un laboratoire ?

LY : Oui, nous allons tester beaucoup de choses ici mais pas que. Il y aura des tests multi pays lorsqu’il y aura un dénominateur commun international, que cela soit par sport, par taille de projet….beaucoup de choses sont envisageables.

SBB : Globalement, le système est donc bien rodé ?

LY : L’enjeu, c’est la monétisation des communautés. Pour ça, il faut les bons outils. Pour l’instant, nous avons des outils archaïques et tout l’enjeu de demain repose sur le développement de ces outils et notamment ceux répondant à la problématique de cash in/cash out qui est l’enjeu fondamental.

SBB : Le projet est donc tributaire de l’évolution des technologies ?

LY : Oui. Les banques font soit le cash in soit le cash out, elles ne font pas les deux. Les enjeux sont énormes, bien au-dessus du simple sponsorise.me. Demain, vous pourrez prendre votre téléphone avec Apple Pay et vous pourrez soutenir un projet en deux clics. Actuellement, vous êtes obligé de rentrer chez vous, prendre votre carte bleu, passer par beaucoup d’étapes pour in fine payer et soutenir le projet. Il faut le vouloir.

La problématique c’est la régulation du système pour notamment combattre le blanchiment d’argent et offrir des garanties aux utilisateurs. En Europe, la législation est totalement différente de celle des Etats-Unis, ce qui explique pourquoi par exemple kickstarter a mis beaucoup de temps à venir en Europe. En Europe tu dois être reconnu par la BCE.

SBB : Vous vous êtes fixés des objectifs à atteindre au niveau mondial ?

LY : On se donne 18 mois pour que les métrics que l’on a en France se vérifient ailleurs. En gros 35% des projets que nous recevons sont mis en ligne sur la plateforme et 70 % sont financés avec en moyenne 3000€ récoltés.

Nous espérons que ces métrics et le nombre de personnes que l’on a pour le faire soit plus ou moins identique dans les autres pays. Nous pensons d’ailleurs qu’aux Etats-Unis, les chiffres peuvent être encore plus élevés. C’est de la théorie, on y va et on va vérifier cela rapidement.

 SBB : Comment se développe la société d’un point de vue des ressources humaines ?

LY : Sponsorise.me c’est 11 personnes et 20 d’ici à la fin de l’année. Il y a les Campaign Managers qui reçoivent les projets et qui aident les porteurs pour la mise en ligne, fixer les contreparties… Il y a les Brand Managers, ceux qui travaillent avec les marques, qui les poussent à développer leur programme et les aident à le faire. Après, nous avons un pilier techno avec un CTO et la partie financière.

Par la suite, nous aurons une gestion par zone avec une zone Europe/Afrique, une zone US et bientôt une zone Asie, dès que nous serons bien installés aux USA.

SBB : Mis à part le développement international, quelles seront les autres nouveautés ?

LY : Nous allons lancer un système avec des enchères. On s’est rendu compte que certains projets avaient des contreparties géniales à tel point qu’on ne sait pas où ils ont pu les trouver. Par exemple un projet proposait une raquette utilisée par Rafael Nadal dans une contrepartie à 150€. Mais c’est assez difficile de savoir la valeur exacte de ce type de contrepartie. Et donc le système des enchères viendra faciliter la chose.

Cela va permettre aussi aux marques de faire bénéficier de leurs avantages aux communautés de sportifs. On peut très bien imaginer une marque qui va offrir dans les contreparties une loge ou une rencontre avec un joueur qu’elle a en contrat.

SBB : Pour finir, quel sont les enjeux à venir pour Sponsorise.me ?

LY : Forcément les USA. Après, le mode de paiement sera le principal enjeu des 6 prochains mois. Lorsqu’Apple, Google et les autres vont lancer leurs outils de paiement, le marché va exploser. De notre côté, il faudra implémenter la technologie sur la plateforme, ce sera un vrai challenge. Et en termes de projets, Paris 2024 pourrait être un gros truc…

Loic Yviquel

 

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