A 3 ans maintenant de l’EURO 2016, Thomas Held, Fondateur d’eForSports, Agence de services et conseil en billetterie, aborde dans notre entrevue ci-dessous la question de l’évolution de la billetterie sportive en France. De nombreux points y sont abordés comme l’expérience fan, la qualité des infrastructures ou encore les solutions proposées par sa société.
Kevin Geoffroy : Pouvez-vous nous présenter eForSports en quelques mots ?
Thomas Held : Fondée en 2011 par des entrepreneurs d’HEC Paris passionnés de sport, eForSports est la première agence de services et conseil spécialisée en billetterie. Nous guidons et accompagnons les organisateurs d’événements sportifs ou culturels dans la conception et le déploiement de leur stratégie billetterie, aussi bien online qu’offline. Nous sommes aujourd’hui à même de prendre en charge l’intégralité de leur billetterie, du conseil au développement commercial, en passant par un accompagnement opérationnel. Mais attention, nous ne remplaçons ni les réseaux ni l’outil de billetterie, ce sont des partenaires pour nous. Conseil stratégique, segmentation et qualification des bases de données de nos clients, réseaux de distribution, administration des outils de vente, téléprospection, ventes par nos commerciaux, relation client, édition des billets, gestion opérationnelle sur site, sont autant de paramètres sur lesquels nous intervenons. Notre objectif est de les aider à garantir le remplissage de leurs événements tout en enrichissant leur actif clients, en étant concrètement à leurs côtés. Nous sommes aujourd’hui une équipe de 24 personnes, toutes passionnées de sport, dynamiques et complémentaires.
KG : Vous travaillez notamment avec le PSG, quels sont les projets de la société à court et moyen termes ?
TH : Oui, et nous sommes très heureux de travailler pour un club aussi emblématique. Nous avons pour objectif de gagner en visibilité pour continuer à développer notre offre et à conquérir de nouveaux clients. Nous avons lancé il y a quelques mois notre site internet ainsi qu’un blog axé sur les stratégies billetterie et le marketing sportif et sommes très actifs sur les réseaux sociaux. Notre expérience du monde du sport nous incite bien évidemment à vouloir devenir de plus en plus légitime pour les clubs majeurs de Ligue 1 au football et du Top 14 au rugby, à nous implanter sur les gros événements, mais pas seulement. Nous souhaitons aussi diversifier notre activité, afin de nous positionner sur des événements tels les spectacles et les salons professionnels, ce que nous avons déjà commencé à faire en devenant le prestataire billetterie des événements du Stade Pierre Mauroy notamment (concerts de Rihanna, Dépêche Mode, Stars 80 etc.).
KG : La billetterie a énormément évolué ces dix dernières années. Quelles sont selon vous les principales attentes des spectateurs dans les stades en 2013 ?
TH : Pendant ces dix dernières années, on a beaucoup parlé de « droits télé » dans le monde du sport. Avec des affluences en baisse, peut-être est-il temps que l’on recentre le discours sur les droits du spectateur. Comme le dit souvent Damien Rajot, directeur opérationnel de Vinci Stadium, « Il y a un vrai bras de fer à lancer pour imposer les droits du spectateur », et je ne peux qu’appuyer son propos. Les vraies attentes des spectateurs se situent aujourd’hui – au-delà du match lui-même – au niveau du contenu, des services et de l’expérience spectateur qui entourent l’événement sportif. Ils sont particulièrement attentifs à l’accueil, au parcours client, à l’orientation, à la relation client.
« Je n’ai pas le sentiment que le fan français soit encore prêt à utiliser Facebook comme plateforme de billetterie. »
KG : Quel est votre avis d’expert sur l’initiative des New York Red Bulls de vendre des billets via un application Facebook ? Le fait de partager son achat représente-t-il une vraie opportunité ?
TH : Que les spectateurs partagent leurs achats et que les clubs leurs offrent cette possibilité est une opportunité de taille. La viralité augmente les points de contacts avec les consommateurs et vient servir les objectifs des clubs. Pour ce qui est de la billetterie sportive sur Facebook, il y a eu quelques essais en France mais qui se sont avérés peu concluants. Je n’ai pas le sentiment que le fan français soit encore prêt à utiliser Facebook comme plateforme de billetterie. La relation au club est souvent très forte : les supporters sont surtout à la recherche d’actualité sur la page Facebook mais trouvent certainement plus rassurant de réserver abonnements et places sur le site internet du club, avec un parcours d’achat qu’il connait et un identifiant personnel. Facebook se montre très efficace dans la captation de trafic, beaucoup moins en tant que canal de billetterie.
« La politique d’invitation de certains clubs a longtemps été un fléau et un manque à gagner en termes de revenus. »
KG : Quelles sont selon vous les lacunes liées au marché français de la billetterie sportive ?
TH : Ce que je constate, c’est que tous les torts ne sont pas à incomber à la billetterie. Il subsiste des carences en termes d’infrastructures, de qualité de spectacle et parfois même d’enjeu sportif. La politique d’invitation de certains clubs a longtemps été un fléau et un manque à gagner en termes de revenus. La billetterie n’a pas été un enjeu business immédiat et est longtemps passé après les droits télé et les recherches de partenaires. C’est aussi pour cela que nous avons créé eForSports : il y a un besoin réel de ressources en billetterie.
KG : L’Euro 2016 en France va certainement être une étape clef pour la modernisation de nos stades. Comment appréhendez-vous cet événement et l’évolution de comportement du spectateur ?
TH : Quand je vois ce qu’a apporté la Coupe du Monde 2006 à l’Allemagne, je ne peux être qu’optimiste. Les infrastructures ont changé et l’affluence dans les stades a considérablement augmenté. L’Euro sera un véritable bénéfice pour le sport français. Sans compter la création de nouveaux édifices, les stades vont augmenter en moyenne de 7000 places leur capacité d’accueil : autant de places que les organisateurs devront s’efforcer de remplir ! Avec un spectateur plus exigeant, les organisateurs devront se poser les bonnes questions pour assurer le remplissage de leurs événements.
KG : La fréquentation des stades de Ligue 1 est encore en baisse (3%) à 70,6%. Est-ce un mal franco-français ou une tendance lourde difficile à résoudre selon vous ?
TH : Les exemples espagnols et italiens parlent d’eux-mêmes : il ne s’agit pas selon moi d’un mal franco-français. Par contre, il s’agit bien d’une tendance lourde, amplifiée par les écarts qui existent entre les clubs. Le Paris Saint Germain a atteint un taux de remplissage de 91% la saison passée, quand d’autres clubs se montrent davantage en difficulté. Un gros travail reste à faire autour des bases de données, de l’expérience spectateur, de la relation client et de la fidélisation pour résoudre ce problème.
KG : Vous mettez en place des « ventes privées » pour écouler des places non vendues. Quels sont les premiers résultats de ces opérations ? Comment cela est perçu par l’acheteur mais aussi par le club ?
TH : En réalité, nous avons mis fin à cette activité de « ventes privées ». Il est vrai qu’à sa création, eForSports proposait une plateforme de vente privée de billetterie sportive en ligne. Notre activité a depuis considérablement évolué et ce pour répondre la demande de nos clients. Notre activité est aujourd’hui exclusivement B2B et nous sommes en quelques sortes devenus la « marque blanche » des clubs de sport.
KG : On entend de plus en plus parler d’« expérience » pour le spectateur au sein de l’enceinte sportive. Sur quels points insistez-vous auprès de vos clients pour que ce besoin soit satisfait ?
TH : Nous insistons particulièrement sur la question des flux et parcours au sein des stades, afin d’assurer la rapidité et la fluidité de l’accès aux événements. La qualité de la relation client (avant, pendant et après l’événement), l’orientation, l’accompagnement et la signalétique sont primordiales.
KG : Y a t-il des sujets ou des projets dont vous souhaiteriez nous faire part ?
TH : En à peine deux ans, nous avons eu la chance d’avoir un développement très rapide. Nous avons gagné de nombreux clients, passant de 4 à 21 contrats en à peine un an. Nous défendons le fait que les spectateurs représentent de véritables actifs immatériels pour nos clients et nous les aidons à enrichir et segmenter ces bases de données pour le succès de leurs campagnes. Nous travaillons actuellement pour des clubs comme le PSG football et handball, le FC Metz, VAFC, le Stade Français, le Racing Métro 92, le LOSC, la JSF Nanterre au Basket, les Ligues Féminine de Basket et de Handball, la Ligue Nationale de Handball ; mais aussi des rencontres sportives comme l’Open GDF Suez et l’EuroBasket Women France 2013. Nous espérons continuer sur cette lancée et enrichir encore notre portefeuille clients.
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