Smaïl Bouabdellah : « Le football est ancré dans ma vie »

(ITW réalisée en février 2012) Journaliste à CFoot, Smaïl Bouabdellah revient sur sa carrière journalistique, ses années au Racing Club Levallois (DH), la difficulté de concilier boulot et ballon, et donne sa vision du football. L’actuel joueur du LSO Colombes (Excellence) glisse un bilan mi-saison de son équipe, et confie qu’il souhaite « montrer le football sous un angle diffèrent. »

Mohamed-Yamin Hamli : Pourquoi avez-vous choisi le métier de journaliste sportif ?

Smaïl Bouabdellah : En 2005, alors que j’évoluais au Racing Club Levallois en CFA2, je me suis cassé la jambe. J’ai alors réalisé que je ne pourrais jamais devenir footballeur professionnel. Mais, quoi qu’il arrive avec ou sans cette blessure, je n’aurais pas été footballeur professionnel. J’ai donc choisi le journalisme comme alternative. Même que si je m’étais concentré à fond sur le football, j’avais en poche une licence de sociologie. Laurent Pruneta, journaliste au Parisien, m’a aidé pour constituer mon dossier pour les écoles de journalisme. J’ai fait le concours de l’Institut Pratique de Journalisme, où j’ai d’ailleurs rendu le dossier d’inscription en retard ! Malgré cela, ils ont quand même accepté mon dossier et m’ont autorisé à passer le concours que j’ai réussi. Ensuite, j’ai eu deux entretiens à Radio France et France Télévisions. C’est là que tout a commencé.

MYH : Lors de votre cursus à l’IPJ, vous avez fait vos premier pas en alternance chez France 3 Normandie Rouen. Parfait pour faire ses gammes et prendre de l’assurance ?

 SB : J’ai appris le métier de journaliste, mon métier. J’ai réalisé toute sorte de reportage. Je me suis retrouvé au milieu des champs, j’ai rencontré Ségolène Royal ou encore Laurent Fabius. J’ai couvert de l’information économique, politique, sportive… Ça a été vraiment formateur. J’ai vécu des moments fabuleux pendant deux ans.

MYH : Puis vous rejoignez l’Équipe TV. Comment se sont passés les contacts avec la chaîne ?

SB : Honnêtement, j’ai été au culot. J’ai tenté le coup, j’ai apporté mon CV et un DVD en main propre à Benoit Pensivy. Il m’a propulsé et c’est tout à son honneur car c’était un pari risqué et très culotté de sa part.

MYH : Que retenez vous de ces années dans l’une des chaînes sportives les plus importantes du paysage audiovisuel français ?

SB : J’ai côtoyé Didier Roustan, avec qui j’ai réalisé des sujets en Amérique du Sud sur le football. Moi qui suis fou de football, pouvoir réaliser des reportages en Amérique du Sud, c’est énorme ! J’ai aussi travaillé avec Charles Biétry. J’ai énormément appris à côté d’eux, lorsqu’ils parlent tu les écoutes attentivement. Ils m’ont beaucoup conseillé, corrigé. Bien sûr le débat était ouvert, j’étais attentif à leurs remarques afin de progresser.

MYH : L’entretien avec Ruud Gullit qui tourne au fou rire avait fait sensation sur internet avec plus de 140 000 vues. C’est l’un de vos plus beaux moments dans votre carrière ? (à revoir ici)

SB : C’était énorme, c’est une séquence inoubliable. Rien que le fait de rencontrer Gullit, Ballon d’or 1987, est extraordinaire. Mais en plus de le faire rire c’est énorme. Vous imaginez, en 2030 vous rencontrez Messi ou Ronaldo et vous vous marrez ensemble pendant plusieurs minutes ! C’était un vrai moment de complicité et ça a sûrement rendu l’entretien meilleur. Mais au delà du rire, cette séquence résume bien le plaisir que j’ai à faire ce métier. Cela me rend heureux, chaque jour je me lève avec le sourire car ce métier est en adéquation avec ce je suis. J’ai tellement de chances non pas d’être journaliste, mais de faire le métier de mes rêves ! Peu importe le métier, l’important c’est de faire ce qu’il vous plait.

MYH : Vous pensez que ce côté agréable, empathique que vous avez permet parfois aux joueurs de football de se confier plus facilement ?

SB : Peut être que ça joue. C’est vrai que dernièrement, El Hadji Diouf s’est confié à moi très facilement car j’ai sûrement le contact facile. De plus, Souleymane Kamara m’a également parlé de sa vie privée, Lucho de son père.

MYH : La marque de fabrique de Smaïl Bouabdellah c’est un ton drôle, agréable, frais et naturel. Pour vous, c’est ce qui fait votre charme ?

SB : J’en n’ai aucune idée. J’espère simplement que je suis pertinent, que mes informations, mes statistiques sont pertinentes. Après je ne peux pas être différent de ce que je suis. J’aime le football pour le football. J’aime charrier parfois c’est vrai. Mais, c’est mon amour du football qui veut ça. Même lorsque je vois un petit pont dans un match de DH je me régale ! Je vais taquiner le défenseur, me rappeler à quel point le geste était beau. Ce qui compte c’est la beauté du geste peu importe le niveau, c’est ça l’essence du football. C’est ce qui me fait vibrer, comme une passe millimétrée de Xavi ou l’ambiance des stades en Amérique du Sud, c’est pour cela que j’aime ce sport. Le rateau, le contrôle réussi, la passe du genou, du dos, le petit pont, la roulette… Je ne peux que m’émerveiller lorsque je vois ces gestes là.

MYH : Dès 2009, vous conciliez football au Racing Club Levallois (CFA/DH) et votre carrière de journaliste. Ce n’était pas difficile de « jongler » avec les deux ?

SB : Je m’entraînais avec le groupe CFA mais je jouais avec la DH. A cette époque, j’avais des dimanches sportifs. Je commençais à deux heures du matin à l’Équipe pour préparer et tourner l’émission « Journal du Foot » jusqu’à 11 heures 30. Ensuite, j’avais rendez-vous avec le club à 13 heures et nous avions match à 15 heures. Puis, je regardais les matches du soir et l’Équipe du Dimanche pour préparer mon émission du lundi matin. C’était épuisant, mais j’aurais pu travailler comme cela pendant des années. J’essayais à chaque fois de grappiller des minutes de sommeil (rires). Quelques minutes lors de la causerie du coach, durant les trajets aller et retour à l’extérieur, je dormais même dans les vestiaires. Mais la fatigue ne m’atteignait pas sur le terrain. Lorsque j’y étais je ne la ressentais pas, je ne pouvais pas y penser car lorsque je suis sur un terrain je donne tout. C’est la compétition et peu importe si j’ai peu dormi, c’est l’amour du ballon et la performance qui primait. Je n’avais pas à me plaindre car j’étais payé à jouer et à parler de football. C’était impossible et par respect envers mes parents qui ont travaillé dur, je suis obligé de prendre du plaisir.

 

MYH : Désormais, vous évoluez au LSO Colombes (Excellence). Comment se passe la saison d’un point de vue collectif et personnel ?

SB : L’année dernière, nous avons gagné la Coupe des Hauts de Seine face à une équipe jouant en PH, un belle exploit puisque 4 divisions nous séparait. C’est le premier trophée du club, c’est une grande fierté de faire partie de cette belle épopée. Cette année, nous sommes leader du championnat Excellence, avec 10 victoires en 11 journées et un match en moins. D’un point de vue personnel, j’ai réalisé 4 passes décisives et marqué 4 buts. C’est un bon début. J’ai toujours gardé en mémoire le nombre de buts ou de passes décisives, je le fais depuis l’âge de 15 ans. Je les ai conservé, j’ai le nombre de passes décisives, de buts et de minutes joués avec le score final. J’aimais bien me jauger, me comparer par rapport aux autres saisons, cela me permettait de progresser. C’était dans un soucis de performance. Je me rappelle que lors de ma première saison avec les Séniors Excellence, j’avais réussi 19 passes décisives. J’ai toujours aimé faire des passes décisives, des offrandes, c’est tellement fin et beau.

MYH : Vous restez très attaché à votre ville d’origine : Colombes. Une ville qui respire le football avec ses nombreux clubs. On vous qualifie souvent comme un journaliste qui a une authentique connaissance du football. Cela vient aussi d’où vous avez grandi ?

SB : J’ai toujours eu des amis qui adoraient le football. On se levait à 8 heures du matin et on jouait toute la journée. C’est vrai que Colombes est une ville qui respire le football, dans n’importe quel quartier de Colombes, il y a des terrains où des matches, des tournois sont organisés. Je me rappelle qu’on organisait des tournois entre quartiers afin de se mesurer aux autres. Cette passion que j’ai pour le football vient aussi de ma famille à travers mon père, et mes cousins. Puis lorsque j’étais au Racing, j’avais 4 entraînements par semaine et match le dimanche. Les deux autres jours, j’étais devant mon écran de télévision à visionner des matches. Le mercredi c’était soirée Ligue des Champions, Coupe de France ou Coupe de la Ligue et le samedi les championnats. Le football est ancré dans ma vie, et rythme mon quotidien et celui de mes proches.

 

MYH : Est-ce que lors des matches certains joueurs adverses vous reconnaissaient ?

SB : Oui quelques fois on me reconnaissait, c’était très amicale. Les joueurs adverses me chambraient parfois, mais j’avais de la répartie. Je parle souvent sur un terrain. Mais leurs remarques me faisait rire et plaisir. Au protocole, je discutais avec eux et ils me disaient souvent : « J’aime beaucoup ce que tu fais ! ». 4 minutes après, je recevais un tacle par derrière. Mais c’était de bonne guerre, je ne me plaignais pas.

 

MYH : Été 2011, vous rejoignez CFoot. Pour quelles raisons avez-vous rejoint l’aventure CFoot ?

SB : Le fait qu’on me proposait plus un rôle de journaliste que de présentateur a fait la différence. L’opportunité de pouvoir faire des reportages, faire mes sujets a énormément pesé sur la balance. Mais ce qui m’a vraiment plu dans la proposition de Cfoot, c’est de pouvoir commenter les matches de Ligue 2. Je me souviens de mon premier match, c’était Arles Avignon contre Le Mans, j’ai vraiment savouré ma première en tant que commentateur. J’ai tellement pris de plaisir que ça ne m’aurait pas déranger de ne pas être payer, j’aurais pu faire ça bénévolement (rires). Et quelle frappe somptueuse de Rocchi (Arles Avignon), dans l’euphorie j’ai le souvenir d’avoir dit « Golazo ». Si il mettait un petit pont avant sa frappe, j’aurais retiré ma chemise ! Ce match reste l’un des mes plus beaux souvenirs de journaliste.

MYH : Vous avez aussi réalisé des reportages sur le football africain et vous êtes imposé comme le spécialiste de la Coupe d’Afrique sur la chaîne avec l’émission Stade Africain. Cela a-t-il motivé votre choix ?

SB : Oui pouvoir faire des reportages sur le football africain m’a tout de suite intéressé. J’ai eu l’occasion de rencontrer Rabah Madjer – ancien international Algérien, célèbre pour le geste qui porte son nom – le Maradonna Algérien. J’ai aussi rencontré Rachid Mekhloufi qui a été un grand joueur du championnat de France dans les années 50. D’ailleurs, mon premier souvenir de football est la Coupe d’Afrique des Nations gagné par l’Algérie en 1990. J’avais 8 ans, et mon père m’avait exceptionnellement autorisé à ne pas me rendre à l’école pour voir la finale. C’était fabuleux. Le reportage sur le football algérien est le sujet dont je suis le plus fier. Cela va au delà du football, on traitait notamment de l’immigration des footballeurs Algériens en Europe et plus particulièrement en France. C’est mon histoire, surtout celle de mes parents.

MYH : Dans l’émission Stade Africain, Nasser Sandjak – entraîneur actuel de Noisy le Sec (CFA) et ancien sélectionneur nationale de l’Algérie – présente tous les lundis (20h30) un édito. L’avez-vous rencontré sur les terrains d’Ile-de-France ?

SB : Oui effectivement, on s’est croisé lors de confrontations. Je le connaissais car c’est une grande figure du football amateur. En 2010, lors de la qualification au Mondial 2010 des Fennecs, je l’avais invité sur le plateau de l’Équipe TV afin de débattre. Le contact est très bien passé. Puis au moment de la réflexion de consultants pour l’émission Stade Africain, son nom m’est venu tout de suite et il a eu la gentillesse d’accepter.

MYH : Depuis votre arrivée à CFoot, on sent vraiment que vous êtes plus poser dans vos interventions. Comment jugez-vous votre progression ?

SB : Je parle désormais moins vite. Je me suis amélioré dans la transmission de l’information. Je travaille chaque jour pour donner l’information juste et au bon moment. C’est l’essence même du métier de donner la meilleur information.

MYH : Quel a été votre réaction suite à l’annonce de l’arrêt de la chaîne ?

SB : J’ai eu une pensée pour tout ceux qui travaillent avec moi en régie, en production au son etc… Tous les services compris, on a donné corps et âme, on a vécu quelque chose de très très fort : la création d’une chaîne. On travaillaient de 9 heures du matin jusqu’à minuit pendant 2 mois afin d’être prêt. J’ai une pensée à ceux que je côtoie chaque jour. Maintenant, on fera le boulot jusqu’au bout, montrer qu’on avait notre légitimité et notre place. A CFoot, on souhaite montrer un autre aspect du football, avec des émissions sur le football amateur, africain… On continuera à se battre jusqu’à la fin, on restera digne et professionnel jusqu’à la dernière minute. J’ai une pensée collectif, je pense à nous (l’équipe) plutôt qu’a moi. Sans les documentalistes, les journalistes reporters d’images, les monteurs, tous les autres services, moi qui suis devant la caméra, je ne suis rien. Ce sont ces personnes là les plus importantes.

MYH : Quel est votre modèle journalistique ?

SB : Je n’ai pas vraiment de modèle mais plutôt un journaliste qui m’a marqué : Thiery Gilardi. Rien que dans sa voix, on ressentait la passion et le plaisir qu’il prenait. Il vivait à fond le moment, mais ce n’est pas un modèle. Il m’a marqué en tant que amateur de football pour sa voix et la qualité de ces commentaires.

MYH : Quels sont vos joueurs préférés ?

SB : J’aime beaucoup les joueurs avec de la « vista », les enfants de la balle. J’ai une affection particulière pour Del Piero, Redondo, Guti ou encore Lucho. Certes, il n’a pas été bon en France mais c’est un très grand joueur. Si je devais en choisir un seul, c’est Riquelme. Je me souviens encore des duels Boca Juniors – River Plate et le match dans le match entre Riquelme et Aimar. Il y a aussi Waddle et Zidane, que j’aimerais rencontrer.

MYH : On demande souvent aux footballeurs quels sont leurs objectifs. Quels sont les vôtres ?

SB : J’aimerais travailler au Brésil pour le Coupe du Monde 2014, ça va être fabuleux. J’aimerais aussi réaliser des documentaires de fond de culture football. Je souhaite montrer comment les gens vivent le football ailleurs. C’est enrichissant d’observer comment les fans Sud Américains vivent les matches, les rivalités comme Boca Juniors – River Plate ou encore comprendre l’itinéraire de nombreux joueurs argentins qui commencent à jouer au football dans leur quartier délabré, puis s’initient au futsal, ensuite au club de la ville etc… Je souhaite montrer le football sous un angle diffèrent. » 

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